Une école sans enseignants, c’est pour bientôt ?
De P. Gromann
Un parent d’élève : « En sortant de troisième, ma fille sait ce qu’est un moteur de recherche, un système d’exploitation, un logiciel libre, et elle est capable de choisir ceux qui lui conviennent. Elle a été sensibilisée aux addictions liées à la pratique du numérique, à la protection de sa vie privée, aux risques de mauvaise rencontre sur internet. Ça a transformé sa manière d’appréhender l’usage du numérique. Au début on n’a rien compris. Elle ne voulait plus utiliser Google, nous a demandé de changer de messagerie… modifiait les réglages de nos appareils. Ça a même changé les habitudes de la famille. »
Évidemment, le parent qui tient ce discours, vous ne l’avez pas rencontré, et pour une raison simple, son collège n’existe pas. Non pas que l’Éducation Nationale ne fasse rien, mais on est loin du compte. Si les objectifs à atteindre peuvent être soumis à débat, la méthode est également un enjeu majeur.
Débarque difficilement dans nos collèges une nouvelle certification : « PIX permet d’évaluer en ligne les compétences numériques des élèves, des étudiants et des stagiaires en formation continue. La plateforme détermine s’ils maîtrisent les savoir-faire définis par le cadre de référence des compétences numériques (CRCN) »1 En pratique on demande aux élèves de se connecter chez eux sur une plateforme en ligne. De témoignage d’enseignant, leur rôle serait de donner un rythme de travail aux élèves. Pas de cours préparé ni donné, les adultes ne savent d’ailleurs pas forcément ce que contient cette plateforme. Mais quand même un alourdissement de notre charge de travail sans rémunération supplémentaire.
Les élèves sont finalement livrés à eux-même, quelque soit leur niveau d’équipement informatique. Ordinateur ou pas à la maison, aide d’un tiers ou pas. Chacun est « libre » de travailler à son rythme diraient les cyniques. Côté prof : « J’ai moi-même expérimenté la plate-forme. Parmi les 16 compétences pour lesquelles je peux être certifiées, j’ai passé deux heures sur mon ordi pour une compétence, en plus de mon travail évidemment. » témoigne un collègue. Car obtenir la certification, pour les élèves comme pour les professeurs, c’est prendre sur notre temps libre, après les cours, les copies, les « devoirs ».
A pas feutré, c’est une petite révolution qui ne dit pas son nom. Si dans les Universités, la pratique commence à être courante, même accélérée avec la pandémie de covid-19, dans le Secondaire, c’est sans réel précédent : ni cours en présentiel, ni enseignement, donc pas d’enseignant.
PIX préfigure-t-il l’école de demain ? On peut le craindre, tant ce modèle présente d’avantages pour des gouvernements gestionnaires qui cherchent sans cesse à réduire les coûts de l’éducation et de la formation, au détriment de l’égalité et de la qualité. Une école sans professeurs, n’est-ce pas le rêve de certains ministres qui commencent à se réaliser ? A nous de tirer la sonnette d’alarme. Alors que la troisième vague de l’épidémie est en pleine ascension, beaucoup de parents sont épuisés du télétravail, les étudiants et les lycéens dénoncent les dérives et les limites des cours à distance. Ces derniers plébiscitent le contact avec les camarades de classe comme avec leurs professeurs.
Nous soutenons bien sûr le développement d’enseignements pour un usage responsable et éclairé du numérique, mais avec des cours en présentiel, des horaires dédiés dans les programmes scolaires, des professeurs formés et rémunérés.
1 https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F19608