Tribune: Il y a 50 ans, le Chili
La fin d’Allende qui préféra la mort à la reddition. A noter que ses 2 gardes du corps sur la photo, ont été tués en essayant de le protéger
Il y a 50 ans, le 11 septembre 1973, une dictature militaire soutenue par les USA, via la CIA, se mettait en place au Chili, renversant un régime démocratiquement élu. Lune des dictatures les plus sanglantes d’Amérique Latine qui dura 17 ans!
L’expérience du Chili, basée sur l’idée d’une transition pacifique vers le socialisme, et son échec via un coup d’état militaire, a marqué la gauche Française
Se rappeler toujours que les militaires responsables de coups d’état ou de tentatives ont toujours eu des réputations au dessus de tout soupçon de Franco qui était vu comme un général légaliste, de Pétain qui avait la réputation d’un républicain, à Salan à Alger ou Pinochet au Chili qu’on disait lui aussi légaliste!
Il est conseillé de visionner le mini documentaire sur l’enterrement de Pablo Neruda, 2 semaines après le coup d’état, qui fut le 1er acte de résistance sous la dictature.
Pablo Neruda Prix Nobel de littérature 1971
Victor Jara Chanteur chilien assassiné par la Junte après avoir été torturé
Le dernier discours radiophonique de Salvador Allende
Je paierai de ma vie la défense des principes qui sont chers à cette patrie. La honte tombera sur ceux qui ont trahi leurs convictions, manqué à leur propre parole et se sont tournés vers la doctrine des forces armées. Le peuple doit être vigilant, il ne doit pas se laisser provoquer, ni massacrer mais il doit défendre ses acquis. Il doit défendre le droit de construire avec son propre travail une vie digne et meilleure. A propos de ceux qui ont soi-disant » autoproclamé » la démocratie, ils ont incité la révolte, et ont d’une façon insensée et louche mener le Chili dans le gouffre. Au nom des plus gros intérêts du peuple, au nom de la patrie, je vous appelle pour vous dire de garder l’espoir. l’Histoire ne s’arrête pas ni avec la répression, ni avec le crime. C’est une étape à franchir, un moment difficile. Il est possible qu’ils nous écrasent mais l’avenir appartiendra au peuple, aux travailleurs. L’humanité avance vers la conquête d’une vie meilleure.
Compatriotes, il nous est possible de faire taire les radios, et je prendrai congés de vous. En ce moment sont en train de passer les avions, ils pourraient nous bombarder. Mais sachez que nous sommes là pour montrer que dans ce pays, il y a des hommes qui remplissent leurs fonctions jusqu’au bout. Moi je le ferai mandaté par le peuple et en tant que président conscient de la dignité de ce dont je suis chargé.
C’est certainement la dernière opportunité que j’ai de vous parler. Les forces armées aériennes ont bombardé les antennes de radio. Mes paroles ne sont pas amères mais déçues. Elles sont la punition morale pour ceux qui ont trahi le serment qu’ils firent. Soldat du Chili, Commandant en chef, associé de l’Amiral Merino, et du général Mendosa, qui hier avait manifesté sa solidarité et sa loyauté au gouvernement, et aujourd’hui s’est nommé Commandant Général des armées. Face à ces évènements, je peux dire aux travailleurs que je ne renoncerai pas. Dans cette étape historique, je paierai par ma vie ma loyauté au peuple. Je vous dis que j’ai la certitude que la graine que l’on à confié au peuple chilien ne pourra pas être détruit définitivement. Ils ont la force, ils pourront nous asservir mais n’éviteront pas les procès sociaux, ni avec le crime, ni avec la force.
L’Histoire est à nous, c’est le peuple qui la fait. Travailleurs de ma patrie, je veux vous remercier pour la loyauté dont vous avez toujours fait preuve, de la confiance que vous avez reposé sur un homme qui a été le seul interprète du grand désir de justice, qui jure avoir pu respecté la constitution et la loi. En ce moment crucial, la dernière chose que je voudrais vous adresser est que j’espère que la leçon sera retenue.
Le capital étranger, l’impérialisme, ont créé le climat qui a cassé les traditions : celles que montrent Scheider et qu’aurait réaffirmé le commandant Araya. C’est de chez lui, avec l’aide étrangère, que celui-ci espérera reconquérir le pouvoir afin de continuer à défendre ses propriétés et ses privilèges. Je voudrais m’adresser à la femme simple de notre terre, à la paysanne qui a cru en nous ; à l’ouvrière qui a travaillé dur et à la mère qui a toujours bien soigné ses enfants. Je m’adresse aux personnels de l’état, à ceux qui depuis des jours travaillent contre le coup d’état, contre ceux qui ne défendent que les avantages d’une société capitaliste. Je m’adresse à la jeunesse, à ceux qui ont chanté et ont transmis leur gaieté et leur esprit de lutte. Je m’adresse aux chiliens, ouvriers, paysans, intellectuels, à tous ceux qui seront persécutés parce que dans notre pays le fascisme est présent déjà depuis un moment. Les attentats terroristes faisant sauter des ponts, coupant les voies ferrées, détruisant les oléoducs et gazoducs ; face au silence de ceux qui avaient l’obligation d’intervenir, l’Histoire les jugera.
Ils vont sûrement faire taire radio Magallanes et vous ne pourrez plus entendre le son métallique de ma voix tranquille. Peu importe, vous continuerez à m’écouter, je serai toujours près de vous, vous aurez au moins le souvenir d’un homme digne qui fut loyal avec la patrie. Le peuple doit se défendre et non pas se sacrifier, il ne doit pas se laisser exterminer et se laisser humilier. Travailleurs : j’ai confiance au Chili et à son destin. D’autres hommes espèrent plutôt le moment gris et amer où la trahison s’imposerait. Allez de l’avant sachant que bientôt s’ouvriront de grandes avenues où passera l’homme libre pour construire une société meilleure.
Vive le Chili, vive le peuple, vive les travailleurs ! Ce sont mes dernières paroles, j’ai la certitude que le sacrifice ne sera pas vain et qu’au moins ce sera une punition morale pour la lâcheté et la trahison.
Vous pouvez aussi voir un film remarquable sur le référendum qui mit fin à la dictature. « No! »
Ou encore « Missing » de Costa Gavras