Tribune
Demain l’eau, l’air après-demain
L’eau est précieuse. Sans elle, pas de vie.
Les récents évènements liés au creusement de mégabassines (Sainte-Soline…) et à la destruction programmée de milieux naturels et de terres cultivées (contournement Est de Rouen, A69 dans le Tarn…), la faiblesse des précipitations hivernales et printanières qui provoquent une sècheresse précoce et un niveau anormalement bas des nappes phréatiques en Espagne et dans le Sud de la France, la fonte de la banquise et les records de chaleurs enregistrés en Asie, rappellent l’urgence de mesures adéquates pour préserver la Terre et sa biodiversité.
Il n’est plus temps de tergiverser, encore moins de faire une pause dans les règles environnementales comme a pu le laisser entendre le président de la République le 11 mai. Le mouvement sur les retraites, en cours depuis l’hiver dernier, montre que les préoccupations environnementales ne peuvent être dissociées des luttes sociales.
La situation climatique catastrophique de notre planète est en immense partie due aux activités humaines : agriculture intensive, transports pollueurs, société de consommation et surproduction, industrie de produits jetables ou à obsolescence programmée, gaspillage de l’eau par les sociétés occidentales, accru par l’individualisme…
L’eau est bien commun, qui doit être garanti par une instance mondiale pour les besoins vitaux des peuples : l’hygiène, la santé, l’alimentation par une agriculture raisonnée, les productions indispensables à la vie.
Doit être interdite l’appropriation de l’eau, quelles que soient les raisons et les moyens mis en œuvre (captation pompage…), au profit de particuliers, de l’agriculture intensive, hors-sol, hors-saison, hors conditions climatiques adaptées, pour des productions qui détruisent les sols, la biodiversité, et ne sont pas vivrières.
Aucune personne, aucun groupement, aucune entreprise ne peut confisquer l’eau des nappes, des cours d’eau, des glaciers à des fins privées.
Les glaciers, partout dans le monde, doivent faire l’objet d’une protection. Seul·es les scientifiques peuvent y accéder dans le cadre de recherches destinées à la préservation de l’environnement.
Les stations de montagne, qui bénéficient aujourd’hui encore, très majoritairement, à des publics favorisés, doivent s’engager dans un tourisme raisonné et raisonnable, économe en eau et respectueux de l’environnement.
La production et la distribution d’eau potable, le traitement des eaux usées, sont assurées par les collectivités locales sous contrôle de l’État, dans le cadre d’un grand service public de l’eau. Elles ne donnent lieu à aucun bénéfice. Droit à l’eau et droit à l’énergie doivent donc être assurés de la même façon.
Dans toutes les nouvelles constructions et partout où cela est possible, à commencer par les bâtiments publics et les entreprises, des circuits d’eau différenciés doivent être mis en place, afin que l’eau potable ne serve pas à d’autres fins que l’alimentation. Des circuits courts de réutilisation de l’eau, quand elle n’est pas destinée à la boisson ou la cuisine, doivent être privilégiés. Dans le bâti public (y compris locatif) existant, l’État procèdera aux travaux d’isolation). Avant de construire de nouveaux bâtiments, on réquisitionnera et rénovera ceux qui sont inoccupés (bureaux, logements vides…) pour garantir à chaque personne le droit au logement dans des conditions décentes et à loyer modéré. Partout où les conditions de logement sont insalubres ou mettent en péril les habitant·es, on procèdera d’urgence aux travaux nécessaires, en expropriant les propriétaires non coopérant·es, et/ou en relogeant les locataires.
Aucune construction de bâtiments, lotissements, infrastructures routières, maritimes, littorales, aéroportuaires… ne peut être autorisée si elle porte préjudice à des zones humides ou, de façon plus générale, à la biodiversité. Le transport de marchandises et de personnes par voie aérienne doit être limité au strict nécessaire.
Les voyages en jets privés, grands contributeurs d’émissions de CO2, doivent être conditionnés à l’absence de ligne régulière ou à des destinations supérieures à des trajets de 5h en train ou autre transport en commun. Cela est valable pour les déplacements des élu·es, des chef·fes d’entreprise, des sportif·ves… Le fret public sera développé de telle manière qu’il sera possible d’interdire les transports de marchandises par la route (sauf pour les denrées périssables et sur des distances n’excédant pas 300km depuis leur lieu de fabrication ou de production).
Les États doivent s’efforcer de tendre vers la gratuité des transports en commun, leur accessibilité et une desserte optimale des territoires. Le transport aérien, par voie de chemin de fer et le réseau autoroutier seront nationalisés.
Les titres de transports occasionnant peu d’impacts sur le climat ne seront soumis à aucune taxation (TVA à 0%).
Les États favoriseront les relocalisations de structures de production et fabrication partout où cela est possible.
Pour financer ces mesures, on pourra :
- Instaurer un impôt sur le revenu progressif
- rétablir l’ISF (impôts de Solidarité sur la Fortune)
- lutter réellement contre la fraude fiscale
- taxer les produits de luxe
- taxer les produits importés alors qu’une production européenne existe ou est possible
- taxer les transactions financières
- taxer les transports aériens courts et interdire les pratiques low-cost
Chaque collectivité locale et l’État doivent être les garants, sur l’ensemble de leurs territoires, de la mise en œuvre et du respect de ces dispositions.
L’eau est précieuse. Elle doit être mise à l’abri de toutes les convoitises et de l’irresponsabilité de quelques un·es qui comptent sur leurs richesses pour en disposer, même quand elle manquera pour le peuple si rien n’est fait pour la protéger. Sinon, l’eau manquera et deviendra un bien de luxe, dont quelques riches s’arracheront la possession. Demain, l’eau. Et l’air après-demain.
Le capitalisme vise à la privatisation de toutes les ressources au profit de quelques un·es, à leur exploitation tout autant que celles des êtres humains. Contrairement à ce dont médias, patrons, lobbies industriels et partis libéraux veulent nous convaincre, ce mode de fonctionnement politico-économique n’est absolument pas compatible avec l’écologie.
Pour la CGT Éduc’action, on ne peut se satisfaire de saupoudrage vert masquant des recettes éculées, comme peut l’être l’enseignement au développement durable, sans doute nécessaire mais très insuffisant, et qui sert de bonne conscience à un gouvernement et une majorité parlementaire qui succombent sans cesse aux groupes de pression (agriculture industrielle, agro-alimentaire, groupes pétroliers, fabricants d’engrais et de produits phytosanitaires, chasseurs…) dont l’intérêt premier est la recherche de profits et qui piétinent l’intérêt collectif.
Il est temps de faire évoluer nos modes de production, agricoles et industriels, nos modes de transport et nos habitudes de consommation. Cela passe, entre autres, par un droit à l’accès à des services publics restaurés sur l’ensemble du territoire (éducation, formation, action sociale, santé, emploi, justice, sécurité, secours, logement, transports, énergie, eau, culture, information et communication, et environnement : gestion et exploitation des forêts, des zones protégées…), une meilleure répartition des richesses, de meilleures conditions et une réduction du temps de travail.
Quant aux aides aux entreprises, elles doivent être subordonnées à des critères élevés en matière environnementale et sociale. Lorsque des marchés sont ouverts à l’international, ces mêmes critères doivent s’appliquer à l’ensemble des entreprises et leurs sous-traitantes, qu’elles soient implantées sur le territoire français ou à l’étranger, quelle que soit la nationalité des salarié·es.
Ce n’est qu’en conjuguant urgence sociale et urgence environnementale qu’on se préoccupera réellement de la santé et du bonheur des populations présentes et des générations futures.
Avec la CGT, les personnels de l’Éducation ont légitimement leur place dans ces luttes pour un monde meilleur.
Henri Baron, 13/05/2023