Tribune
De Coubertin versus Jean Zay
Année olympique oblige, le Baron Pierre de Coubertin a fait l’objet de pas mal d’articles, de reportages et autres paroles publiques hagiographiques.
Pourtant le personnage avait des côtés peu ragoûtants. S’il était un défenseur de la pratique sportive, il défendait la vision anglo-saxonne de celle-ci. Des activités pour les gentlemen, plutôt qu’une pratique populaire. Il faut rajouter à ça une misogynie revendiquée. Il s’oppose à la participation d’athlètes femmes aux jeux olympiques : « car cela nuit à leur féminité, et pourrait dégrader leur fertilité ». Rajoutons au tableau un esprit colonialiste, et un antisémitisme assumé. Il pensait impossible qu’il existe des champions juifs, du fait de la déficience de leur race. Il vouait d’ailleurs de l’admiration aux nazis en général et Adolf en particulier, à tel point qu’il fut écarté des instances de décision du CIO.
Par contre, je n’ai rien vu, entendu concernant Jean ZAY. Mais qui-est-ce ?
Pour moi, c’est le meilleur Ministre de l’Éducation Nationale que notre pays a connu. Il remodèle la grande maison.
C’est lui qui crée les trois degrés d’enseignement, l’unification des programmes, la prolongation de l’obligation scolaire à quatorze ans, les classes d’orientation, les activités dirigées, les enseignements interdisciplinaires, la reconnaissance de l’apprentissage, le CNRS, le sport à l’école,, les œuvres universitaires.
Au titre des Beaux-Arts : le Musée national des arts et traditions populaires, le Musée d’Art moderne, la Réunion des théâtres lyriques nationaux, le Festival de Cannes. Il crée celui-ci pour concurrencer le festival de Venise fasciste. Il ne verra pas sa création, l’édition 1939 annulée du fait de la guerre.
Ce qui me touche le plus, c’est sa vision de l’enseignement primaire, il accorde une grande importance à ce qui n’est pas seulement « lire, écrire, compter ». Pour lui, un élève doit devenir un citoyen et pour cela pratiquer l’Éducation Physique et Artistique. Il demande aux instituteurs d’animer des « colonies de vacances », et par un système d’aides gouvernementales développe ce secteur.
Et tout ça, en trois ans, trois mois, six jours. Ministre du Front Populaire et juif il démissionne le 2 septembre 1939 pour rejoindre l’armée française. Démobilisé après la défaite, il sera emprisonné par le gouvernement de Vichy le 15 août 40, jugé et condamné par la suite pour « désertion ». Le 20 juin 1944, il est assassiné dans sa prison par des miliciens. Ses cendres seront transférées au Panthéon le 27 mai 2015, sous la Présidence de François Hollande.
Franchement pour un type pareil pourquoi ne pas l’avoir célébré ? 1944-2024, quatre-vingts années après son exécution ne devrions-nous pas l’évoquer à la fois pour la fin du Gouvernement de Vichy, et pour l’élan qu’il a donné à la pratique sportive pour tous, cette année de Jeux Olympiques à Paris ?