CAPES, statut des fonctionnaires et 32h, même combat
De P. Gromann
Fin du CAPES et polyvalence des enseignants au collège. Il fallait lire la circonspection dans les yeux des collègues face aux déclarations des acolytes de Macron.
La suppression du CAPES1 pour généraliser le recours aux contractuels moins bien formés, voire pas du tout formés, n’est pas une idée nouvelle. Nous sommes ici dans la droite ligne de la pensée libérale. Abattre le statut de fonctionnaire et le salaire à la qualification, détruire le droit à la carrière, mettre les enseignants dans une situation de précarité qui permettrait d’en faire des bons petits soldats à la botte de leur hiérarchie. Du point de vue des élèves et de leurs parents, on s’enfoncerait encore un peu plus vite vers la fin d’une école publique de qualité accessible à tou-te-s.
Rien de très nouveau me direz-vous. Mais quand le ministre avoue qu’on n’arrive plus à recruter assez de professeurs de mathématiques compétents, et qu’en même temps, des députés de la majorité présidentielle proposent une contre « réforme générale du collège », dans laquelle les collègues pourraient enseigner un nombre indéterminé de disciplines jusqu’à la classe de troisième. Les masques nous en tombent.
Car traduisons : pas assez de professeurs compétents en math ? Alors proposons que les autres profs enseignent aussi les maths ! Forcément en salle des profs, on se dit que ça devient absurde. Enfin pas tant que cela. Tout dépend des objectifs que se fixe la majorité présidentielle. Si le but est de développer un marché privé de l’éducation, de former une main d’œuvre « à bas coût » dans un système éducatif à deux vitesses (comprenez celle des classes populaires et celle des classes moyennes supérieures), de proposer une offre de formation professionnelle réduite aux besoins des entreprises à l’échelle régionale… Et oui, rien de très nouveau non plus me direz-vous. Donc il y a bien une cohérence : une école publique à bas coût, c’est l’objectif prioritaire.
Faut-il le rappeler, la principale façon d’attirer en nombre des candidats au CAPES reste la promesse d’un bon salaire et de bonnes conditions de travail, le tout garanti par un statut, celui des fonctionnaires. Mais ne nous y trompons pas, l’école n’ira pas mieux dans une société qui va mal. Prenons un exemple précis : les dédoublements de CP et CE1 en REP+, dont le bilan est plus que mitigé. Bien sûr le nombre d’élèves par classe est important. Mais prenons du recul. Comparé à des zones dites favorisées, un élève de REP+ perd environ un an de cours sur toute sa scolarité, sans doute majoritairement à cause d’absences non remplacées. Encore faut-il mettre un enseignant qualifié en face des élèves : on estime qu’en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne le taux d’enseignants contractuels ou en début de carrière atteint 50%, contre 10% à Paris et dans les Hauts-de-Seine, départements bien plus huppés2. L’école n’est pas hors sol. Un projet pour l’école s’inscrit dans un projet de société, peut-être une société où les parents ont une sécurité sociale, alimentaire, professionnelle, et une durée du travail hebdomadaire qui leur laisse du temps pour accompagner la scolarité de leurs enfants. Et si une réforme phare de l’éducation, c’était par exemple la semaine de 32h pour les parents ?
2Une brève histoire de l’inégalité, T. Picketty, éditions du Seuil 2021 p.264