1er jour
Nos contacts de l’association
Roya citoyenne sont ce matin accaparés par des urgences dont
nous ne
connaissons les
détails.
Nous allons donc à
la rencontre
de Cédric Herrou qui est sous le coup d’une
procédure judiciaire
pour avoir aider à la création d’un camp qui
n’aura durée que
quelques jours, les autorités l’ayant
démantelé aussitôt. Il
lui est également reproché d’avoir aider des
personnes en situation
irrégulière à transiter en la
vallée de La Roya et le reste du
territoire Français.
Nous le retrouvons sur la
place
du marché, devant un petit stand ou il semble vendre la
production
de son exploitation située un peu plus bas dans la
vallée.
Il
nous explique qu’aujourd’hui encore il héberge des migrants
de
passage, tout comme de nombreuses personnes de la vallée
sensibles
à la condition de ces gens.
Sarah, qui nous rejoins
à notre
table nous livre un topo sur la situation géographique de la
vallée
( enclave Française avec un accès par l’Italie via
Vintimille ou
par Cuneo après le col de Tende, au fond de la
vallée ).
Elle nous fait part de la
situation, délicate pour tous les migrants mais en
particulier pour
les mineurs, qui sont censés être pris en charge
par les services
sociaux, l’aide sociale à l’enfance.
Malheureusement, pour ceux qui
sont arrêtés par la Police Aux
Frontières, peu d’attention serait
portée à leur age, et les
bénévoles soupçonnent des renvois
à
Vintimille et sur le sud de l’Italie y compris pour ces mineurs.
L’exemple le plus
récent date de
Samedi 12 Novembre, à Breil sur Roya, ou lors d’un
rassemblement
mettant en avant les actions solidaires, un groupe de migrants qui
allait trouver refuge dans l’église et le local de
l’association
Musulmane a été encerclé puis pris en
charge par la P.A.F. .
17 mineurs
ont
été expulsés directement à
Vintimille, procédure
totalement illégale.
Sarah, toujours, reviens sur
les
conditions d’accueil chez les particuliers. Certains resteraient 4 ou
5 jours chez les personnes qui les hébergent, le temps pour
eux de
trouver des solutions pour la suite de leur parcours.
Les problèmes de
santé sont
nombreux, des soins sont dispensés par certains des
habitants ou un
groupe de Médecins Du Monde constitué d’aides
soignantes,
d’infirmières et d’un médecin. Le
matériel médical est mis à
disposition par M.D.M., mais les pharmacies locales participeraient
assez facilement en apportant un soutien ponctuel en
matériel.
Nous l’interrogeons sur un
groupe
que nous avons croisé hier soir en arrivant, ceux-ci
remontaient à
pied sur le bord de la route vers le haut de la vallée.
Sarah nous explique que les
migrants, méconnaissant pour certains la
géographie du coin,
s’attendent à trouver un accès facile au
territoire Français par
cette vallée, alors que celle-ci débouche en fait
sur l’Italie et
Cuneo.
Un réseau de
« passeurs
solidaires » dont les médias avaient
déjà reportés les
activités était
très actif dans la vallée, organisant un passage
tout les deux
jours, par les montagnes et des sentiers.
En une matinée,
nous avons
rencontrés une dizaine de personnes, les envies d’aider,
manières
d’agir, semblent variées,
l’urgence de certaines situations a impliqué un nombre de
personnes
très importants, pas forcement proches de collectifs
existant, et
agissant de leur propre initiatives.
Il nous est difficile de
comprendre qui organise quoi et avec quels moyens. Des journalistes
sont sur place, et semblent vouloir faire un constat précis
de la
situation.
Il est midi, je dois
rencontrer
une autre personne qui monte de Nice pour nous rencontrer.
Nous avons contacté
deux
bénévoles qui distribueront ce soir de la
nourriture lors d’une
maraude, à Vintimille, ce
qui n’est pas autorisée
par les autorités. Nous prendrons le risque de nous y
joindre afin
de mieux comprendre la situation, et surtout évaluer quels
besoins
sont nécessaires pour les achats de nourriture que nous
prévoyons.
13h00 : Nous nous
rendons
chez des particuliers qui acceptent de mettre à disposition
un local
pour stocker les vêtements que nous avons emmené,
mais aussi
d’autres déjà déposés par
des citoyens de la vallée.
L’urgence, dans la
vallée de
La Roya ne leur a pas permis d’aménager ce local,
dès demain nous
irons donc acheter de quoi le meublé afin de
l’emménager au mieux,
histoire de faciliter la vie de ces personnes, pour certains
bénévoles, pour d’autres simple civils qui devant
des situations,
des histoires dramatiques, ont pris le parti de contribuer à
l’effort de solidarité.
15h30 : Nous nous
rendons
sur un terrain ou une vingtaine de migrants (mineurs pour la
majorité
vu leurs visages enfantins…) sont installés, dans des
tentes, des
abris de bois non isolés. Certains ont
déjà tenté un passage vers
la France, une fois, deux fois…
L’appellation boucle
« Vintimille, Breil sur Roya, Sospel, Vintimille » prend tout
son sens devant les explications qui nous sont données.
Les migrants grimpent cette
vallée depuis que la frontière
côtière, l’autoroute et la voie
ferrée sont étroitement gardés par les
autorités.
Pour ceux qui tentent le
passage par ces voies, c’est (presque) aujourd’hui le retour direct
vers le Sud de l’Italie, ou
vers Vintimille pour les mineurs qui normalement devraient
être PRIS
EN CHARGE PAR LES SERVICES SOCIAUX FRANÇAIS…
On nous raconte que lorsque
les
premiers migrants sont arrivés, certains habitants se sont
mobilisés, allant jusqu’à utiliser des chemins de
montagne pour
faire passer la frontière à ces migrants.
Ce réseaux, dont
certains
d’entre vous ont peut être entendu parler a
été présentés dans
les médias comme un groupement de « passeurs solidaires« ,
sauf qu’aujourd’hui, la multiplication des arrestations font craindre
à ces citoyens de perdre leur permis de conduire, et
d’être sous le
coup de poursuites
judiciaires,
avec l’interdiction de quitter les Alpes Maritimes.
C’est la que ca se gatte, les
migrants continuent d’affluer, s’engouffrant dans ce cul de sac
qu’est la vallée de La Roya.
Les hébergeant
d’une nuit ne
savent plus quoi faire devant les demandes des migrants de les
emmener, de les guider à travers la montagne qui de toute
façon
sera dans quelques dizaines de jour tout bonnement
impraticable…
Alors, certains, comme ceux
croisés le soir de notre arrivé tentent de
nouveaux le passage par
la voie ferrée, de nuit, à travers des tunnels
longs de 800m et des
militaires Italiens à leurs trousses.
Plus personne n’est
étonnée
de voir revenir les mineurs le lendemain même depuis
Vintimille, et
ceux considérés comme des adultes quelques jours
plus tard…
Lorsque j’explique
à ces gens
que les médias, les politiques, et les associations
d’importances
impliquées auprès des migrants risquent de leur
dire qu’ils ont eux
mêmes créé l’appel d’air, il me raconte
les premières arrivées,
sur un ton grave, presque honteux d’avoir aider ces gens et de la
situation actuelle… Ce qu’ils décrivent est pire
que tout ce que
j’ai pu voir jusque là !!!
Des personnes
blessées, vêtues
de shorts, de débardeurs et de claquettes, soumis
à la galle dont
l’ampleur chez certains fût à
décourager des bénévoles soignants
locaux…
Bien sûre, leur
assurer un
traitement est impossible, le peu de stabilité à
laquelle ces gens
ont droit ne le permet pas…, « hormis percer les cloques les
plus vilaines et désinfecter, il n’y a rien à
faire » nous
explique une dame qui est intervenue plusieurs fois sur ce genre de
cas.
Les cas d’adolescentes
enceintes, violés sur leur parcours, ne sont pas
exceptionnelles…
« Comment ?? »
,alors, me demandent tous ces citoyens Français solidaires
« …aurions nous pu ne rien faire ??? »
« Nous ne sommes pas aller
chercher ces gens, nous étions bien loin dans notre
vallée isolée
des problèmes de migrations Européens »
m’expliquent la plupart
d’entre eux.
Et effectivement, en
étudiant
bien la configuration de la région, on comprend que tous ces
panneaux, indiquant France, depuis Vintimille et en direction de la
vallée de La Roya, ont à eux seuls suffit
à orienter les migrants
là bas lorsque Menton, Nice et les routes de passages
côtières ont
été verrouillées.
Aujourd’hui, il n’y a plus de
solution pour La Roya, l’hiver arrive, les passages ne se font plus,
ou très peu et dans la peur, pour
les migrants comme pour
les
« passeurs citoyens », mais les migrants continuent
d’arriver.
L‘état,
absent hormis pour reconduire (expulser, pourchasser, menacer…)
ne réponds absolument pas à ces obligations de
mise à l’abri des
tout ces gens, pas même pour les mineurs…
Il faut croire que la
situation
géographique de cette vallée en a fait un
territoire oubliée de la
république Française, de ces belles valeurs qui
nous sont sans
cesse rappelées et pour lesquels les habitants de La Roya
semblent
se battre…
J’ai personnellement
tenté de
prendre le temps d’expliquer à certains de ces migrants qui
demandaient aux citoyens Français présent de les
emmener, que la
situation était trop dangereuse, que nous voulions tous les
aider,
mais que perdre son permis, son job et l’accès à
son propre
département étaient devenues des
conséquences bien trop lourdes à
porter pour tout ces gens…
L’un d’eux m’a alors
interpellé :
« Moi, j’ai pris sur moi de
porter sur mon dos un enfant que je ne connaissais même pas
pendant
la traversée de tout un pays !!!, vous devez nous
aider !!! »
Le pays en question, c’est La
Libye, et la mort assurée, les organes en moins, pour tout
enfants
seuls…
Les habitants de la
vallée
présent n’arrivant que difficilement à dire non,
j’ai soudain pris
conscience d’une terrible réalité ;
…la semaine prochaine ces
migrants seront encore là, arriveront encore nombreux, alors
que les
possibilités de passage sont quasi nul, et qu’on ne peut
demander à
des associations et des civils de subvenir aux besoins de tout ces
gens…
Ils sont d’ailleurs les
premiers à reconnaître qu’ils n’en ont pas les
moyens, que l’on
court droit à la catastrophe, soit parce que les migrants
tenteront
la montagne, avec de fortes chances de s’y perdre, et d’y mourir
gelés soit parce qu’ils seront de plus en plus nombreux
à reprendre
les anciennes routes (voie ferrée et autoroute…),
multipliant du
même coup les accidents du même type que ceux ayant
causé trois
morts le mois dernier.
Vous comprendrez, (ou pas),
que
ce premier compte rendu est sans images, que la détresse sur
place
ne m’a permis à aucun moment d’immortaliser des
scènes de vies
comme nous l’avions fait à Calais.
De vie, il n’y a plus vraiment
en Roya… on attends et on a peur, peur de la suite qui
s’annonce si
proche et si sombre…
Il y a des choses à
faire,
pour chacun d’entre nous, ou que nous soyons, prenez vos claviers,
vos stylos, et vos téléphones, contactez la
préfecture des Alpes
Maritimes, la direction des services sociaux du département,
faites
part de votre indignation et de votre intention de ne pas rester sans
réagir face aux futurs morts qui sont, d’ores et
déjà, annoncés…
Nous avons laissé
faire en
méditerranée, à Lampedusa,
à Lesbos et dans bien d’autres
endroits si proches de chez nous…
Aurons nous la
lâcheté,
l’indécence et le « courage », de ne rien faire de plus pour
La Roya ?…
Valentin
PORTE,Breil sur Roya,
le 15/11/2016.