Retours de stage
Suite au stage avec Eliane Viennot nous publions 2 « textes » de retours de stage, d’autre part un padlet a été élaboré, vous le trouverez en cliquant ici
Bonne lecture
Participer au stage syndical du 17 mars (conférence d’Éliane Viennot et ateliers de réflexion) a contribué à approfondir ma prise de conscience de la masculinisation de la langue française opérée par une classe de clercs aux XIIIe-XIVe siècles, et à partir du XVIIe siècle, mais aussi des résistances à cette masculinisation et des nombreuses ressources, historiques et contemporaines, pour démasculiniser la langue.
J’ai mieux compris à quel point la masculinisation de la langue relevait d’une violence sexiste, d’un rapport de pouvoir extrêmement violent. J’ai compris aussi que la stratégie masculiniste s’appuyait sur la volonté de distinction sociale : en imposant, de façon totalement arbitraire, des « bons usages » qui relèvent le plus souvent d’usages masculinistes de la langue, les clercs ont fait croire que bien parler, c’était parler la langue qu’ils voulaient, eux, une langue masculinisée. Autrement dit, celles et ceux qui se sont approprié ces prétendus « bons usages », qui ont fait tous les efforts nécessaires pour maîtriser les accords, adopter des participes invariables au masculin, supprimer les pronoms féminins, ont acheté leur « distinction sociale » au prix de leur soumission à cette domination masculine dans la langue. Ce sont finalement les langues populaires qui ont peut-être le mieux résisté. Je comprends aussi que ces enjeux de langue sont liés à bien d’autres questions, comme celle, cruciale à mon sens, de l’évaluation. L’obéissance aux normes (dont l’origine demande à être questionnée) est parfois l’outil de la domination.
La présence du collectif d’enseignantes et d’enseignants me fortifie dans ma volonté de parler et écrire une langue plus égalitaire, et de proposer aux étudiantes et étudiants des exercices pour redonner du jeu, du souffle dans la langue, faire circuler l’idée et la pratique d’une langue libre, qui donne joyeusement à entendre l’égalité des sexes.
Sandrine
Ce que la lecture, l’écriture et le langage font au corps
J’ai entendu Eliane Viennot dire avec force, calme et certitude qu’il fallait démasculiniser la langue et non pas la féminiser. Je me suis redressée. Je l’ai écoutée attentivement. Ses paroles ont produit une libération de mon espace féminin. En démasculinisant la langue et en la redécouvrant telle qu’elle a été, bien plus féminine et égalitaire que maintenant, je respire, je reprends ma place, j’occupe des endroits élargis. Mon corps se détend et sort de sa contrainte. La langue démasculinisée m’ouvre un espace, me donne mon espace. Je peux laisser mon souffle s’échapper. Je peux « me » dire telle que je suis vraiment : femme.
Je n’impose rien, ne domine pas l’autre (masculin), ne minimise pas sa valeur, n’invisibilise pas son genre, je m’installe confortablement en moi-même et je me déploie pleinement.
J’ai écouté les explications lumineuses, documentées qui rappellent que la langue était bien plus égalitaire au 12ème siècle que maintenant et que cela ne posait de problème à personne de parler de poétesse, philosophesse, écrivaine, autrice, lieutenante, médecine, professeuse, doctoresse etc., tous ces métiers de la création, du savoir, de la connaissance, du pouvoir.
Moi qui me croyais féministe !
Il m’a fallu attendre un congé formation professionnelle (d’ailleurs je vous encourage à le demander année après année pour obtenir cette autre bouffée d’oxygène dans nos vies d’enseignant.es souvent difficiles), une inscription en master lettres, des rencontres avec de jeunes étudiantes qui expérimentent des stratégies d’écriture pour créer d’autres modèles féminines ou non genrées et la venue d’Eliane Viennot.
Ne passez pas à côté de ce grand petit livre : « Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin » ? Allez explorer son site internet : https://www.elianeviennot.fr/
Anne-Marie