La nouvelle rectrice de notre académie affirme : « On ne peut pas raisonnablement devenir enseignant·e en 5 jours »
Jeudi 1er septembre, à l’occasion de la rentrée des classes, Céline Moncel recevait sur BFM Côte d’Azur la nouvelle rectrice de l’académie de Nice.
« Vous m’interrogiez sur le fait de rassurer les parents d’élèves, disait cette dernière, je les rassure : nous partageons le même objectif : la réussite des élèves. »
Nous n’en doutons pas, mais nous aurions plus de chance d’y arriver en suivant les revendications de la CGT Éduc’action.
Toujours plus de contractuel·les.
A la question « Pourquoi la question des contractuel·les fait autant débat cette année ? C’est pas vraiment nouveau (…) » 1
Natacha Chicot répondait dans un sourire : « c’est un phénomène très classique au ministère de l’Éducation Nationale, (…) c’est vrai que nous sommes sur une tendance à l’augmentation, notamment dans le second degré. »
N. Chicot admettait quelques minutes plus tard pour notre académie 8% de contractuel·les dans le secteur secondaire et 1% dans le secteur primaire, et de conclure : « Ce sont des proportions qui ne sont pas rien, mais ce n’est pas non plus une vague de fond. »
C’est en fait un phénomène assez récent, et qui monte en puissance, puisqu’en France, en 5 ans le nombre de contractuel·les a augmenté de 26,5% dans le secondaire. Imaginez que votre salaire augmente de 26.5% sur la même période… et oui, ça ferait beaucoup ! Mais bon, la réalité c’est moins 20% en 20 ans, avant l’explosion de l’inflation.
Quant au primaire, l’appel aux contractuel·les est vraiment nouveau, et pour cause : plus les élèves sont jeunes, moins le manque de formation pédagogique ne pardonne. Vous avez beau avoir une thèse de physique nucléaire à 25 ans, du jour au lendemain devant 30 enfants de 3 ans, c’est l’ATSEM (agent·e territorial·e spécialisé·e des écoles maternelles) qui va vous sauver la vie, et une crampe d’estomac vous empêchera de retourner travailler le lendemain.
« Est-ce qu’on peut raisonnablement devenir enseignant·e comme ça en quelques jours ? »
A cette question N. Chicot répondait : « Vous avez totalement raison, on ne peut pas raisonnablement devenir enseignant·e en 5 jours. (…) ce sont des personnes qui sont titulaires dans l’écrasante majorité des cas d’un Master, généralement dans la spécialité dans laquelle ils·elles vont enseigner (…) » Reste que les parents d’élèves attendent un·e professeur·e pour enseigner les mathématiques, pas un·e Docteur·e en physique nucléaire, aussi talentueux.se soit-ils·elles.
Critiquer le recours aux CDD ne signifie pas dénigrer les collègues contractuel·les.
La nouvelle rectrice éludait ensuite :
« Le débat, à mon avis, est venu du fait qu’il y a eu un discours souvent caricatural sur le profil de ces contractuel·les (…), ce ne sont pas des enseignant·es de seconde zone, ils disposent d’une véritable formation initiale et nous les formons (…). » Un piège qu’on nous tendra sans cesse.
Il n’est pas question pour nous de critiquer nos collègues contractuel·les, que nous soutenons au quotidien, et pour lesquel·les nous revendiquons la titularisation. Avec la montée en puissance des CDD, le gouvernement propose toujours plus de précarité et une entrée dans le métier sans formation, donc des collègues en difficulté. Dénoncez la précarité et l’absence de formation, on vous répondra « ce ne sont pas des enseignant·es de seconde zone ». Joli piège !
C’est bien nos gouvernant·es qui semblent considérer qu’il existe des citoyen.nes de « seconde zone » : les enfants n’ont-ils pas tous le droit, comme les personnels au respect ? Le mépris, n’est-ce pas de mettre certain·es enfants devant des enseignant·es qui ne sont pas formé·es, de laisser croire aux un·es qu’ils·elles peuvent devenir enseignant·e en 5 jours, aux autres formé·es et recruté·es sur concours qu’ils·elles n’avaient besoin que de 5 jours pour le devenir ?
Comme le rappelait en substance notre co-secrétaire général Armel Briend le 31 août 2022 sur BFMCôte d’Azur3, « fonctionnaire », c’est pour le·la travailleur·se avoir un statut avec par exemple un droit à la carrière et la possibilité de contracter un prêt pour acheter un logement. Pour les parents d’élèves, « fonctionnaire » c’est la garantie que le service public est aussi présent dans les quartiers les plus inaccessibles, les plus miséreux, autant que dans les « beaux quartiers ». Le creusement des inégalités est déjà en marche : en Seine Saint-Denis, département le plus pauvre de France métropolitaine, la proportion de contractuel·les n’est pas aux 8% de la moyenne nationale dont parle à juste titre N. Chicot, mais à 13%4.
Dit autrement, en Seine Saint-Denis, la proportion de contractuel·les est supérieure d’environ 62% à la moyenne nationale !
Rendre nos métiers plus attractifs.
Notre rectrice reconnaissait enfin « un problème d’attractivité du métier d’enseignant·e » et préconisait d’ « améliorer leurs conditions de travail », indiquait qu’il y avait « la question des rémunérations évidemment », enfin elle déclarait avoir « besoin que les enseignant·es s’épanouissent pour que nous puissions recruter davantage d’enseignant·es ». Nous saluons cette prise de position, même si ces questions ne relèvent pas de la compétence du rectorat, ou à la marge.
Mais « on reste dans une situation qui n’est pas satisfaisante », surenchérissait notre rectrice. A écouter ses déclarations, il semble possible de croiser N. Chicot lors de la manifestation pour les salaires, le 29 septembre prochain. Ce serait l’occasion de lui dire combien nous sommes d’accord pour l’amélioration des rémunérations, et mieux encore : indexer les salaires sur l’inflation, donner le statut de fonctionnaire aux AEd et aux AESH. Les revendications de la CGT Éduc’action en somme.
De 2018 à 2020, on a compté 27 163 élèves en plus dans les collèges et lycées publics français, et 2937 professeurs en moins4.
Adhérez à la CGT Éduc’action, aidez-nous à résister et à imposer nos revendications.
1 https://www.bfmtv.com/cote-d-azur/replay-emissions/azur-politiques/academie-de-nice-penurie-d-enseignant·es_VN-202209010567.html
2 Fournis par la mairie pour le primaire, le département pour les collèges, la région pour les lycées
4 Le Monde Diplomatique n°822 – septembre 2022