Pendant que les sages pointent l’égalité, l’imbécile regarde le point médian.
La CGT Educ’Action réaffirme sa volonté de continuer à utiliser l’écriture égalitaire, dans ses propres textes, mais surtout à agir pour qu’elle soit partout promue dans les documents à destination des élèves ainsi que dans les écrits de l’Education nationale.
La CGT Educ’Action est en effet fermement impliquée en faveur de l’égalité hommes/femmes et filles/garçons. Or le langage nous façonne et nous formate, formate nos représentations, tout en traduisant les rapports de forces dans la société. Le genre neutre n’existe pas dans la langue française. Réfléchissons à la violence sur les petites filles et à l’injonction sur les petits garçons de cette formulation inique : « le masculin l’emporte sur le féminin ».
Devant cet état de fait, l’écriture égalitaire (ou inclusive) n’est qu’un des moyens contribuant à reconnaître l’égalité des femmes et des hommes. Elle vise à féminiser ou plutôt à démasculiniser* la langue française dans le but de sortir d’un système hiérarchique où les hommes sont généralement valorisés et les femmes invisibilisées.
Sans être « triturée », la langue française nous offre toutes les possibilités de nous exprimer de manière égalitaire sans employer systématiquement le point médian** caricaturé à l’extrême : doubler le nom (directeurs et directrices) , utiliser des termes épicènes (camarade, syndicaliste, équipe,…), utiliser l’accord de proximité, etc.
Ces solutions de bon sens n’attendent que d’être officialisées. Mais à l’inverse, Blanquer enfourche un cheval de bataille pour répondre en urgence à un problème qui n’existe pas. Car dans les faits, l’écriture inclusive, au sens où le ministre l’entend, est très peu pratiquée par le corps enseignant et à peu près absente des manuels scolaires. Alors, pourquoi maintenant ?
Faire le buzz ? Donner des gages électoraux ? Détourner l’attention des vrais problèmes ? Rappelons que dans le même temps, le ministère annonce que les mesures controversées du Grenelle de l’éducation s’appliqueront toutes.
Il semble bien qu’il s’agisse là avant tout d’un marqueur idéologique de sa part, dans la droite ligne des injonctions pédagogiques sur l’enseignement de la lecture du livret Orange.
Et nous ne sommes pas dupes de sa démagogie, quand il prétend venir ainsi en aide aux élèves en difficultés ! Si tel était son souci, il rétablirait tous les postes de Rased supprimés, créerait massivement des postes d’AESH et des postes d’enseignant·es pour alléger les effectifs.
Les arguments invoqués pour refuser l’écriture inclusive sont des prétextes : aucune étude ne démontre que celle-ci soit trop complexe pour les apprentissages. Si on veut vraiment le bien des élèves et faciliter les apprentissages, simplifions d’abord la langue française. Blanquer en a une vision extrêmement figée (« Notre langue est le premier trésor français, celui qui nous relie tous et fait notre puissance mondiale. Elle ne doit donc pas être triturée ou abîmée ») alors qu’elle évolue en permanence et que sa richesse provient au contraire de son dynamisme.
La conception de la langue française comme un « trésor » intouchable n’est que l’expression d’un conservatisme réactionnaire. En véhiculant ces stéréotypes qui lui semblent relever du bon sens, le ministre cautionne les valeurs d’une société sexiste.
Le langage restera t-il le seul domaine où la domination masculine est officiellement admise ?
La CGT Educ’action exige du Ministre de l’Éducation nationale de la Jeunesse et des Sports Jean-Michel Blanquer, qu’il revienne sur cette circulaire, affirme son soutien au langage égalitaire et à toutes les actions pédagogiques en faveur de l’égalité des garçons et des filles.
*« Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte » (Bouhours, 1675, complété explicitement par Nicolas Beauzée : « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle »).
** le point médian n’est qu’une abréviation orthographique pour éviter un doublet enseignant·es à la place de enseignants et enseignantes.