Déclaration
de la Cgt-Educ’Action au Conseil Supérieur de l’Education du
14 mars
Déclaration
de la CGT lors du Conseil
Supérieur de l’Educaation sur la Loi Travail
Madame
la Ministre,
Mesdames, Messieurs les membres du CSE
Vous
maintenez donc à l’ordre du jour un avant-projet de loi visant
à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles
protections pour les entreprises et les actifs.
Partons
de quelques points que l’on retrouve dans
l’exposé des motifs, censé
résumer la philosophie de l’avant-projet de loi.
Il
est d’abord affirmé que ce projet de loi est
placé sous le signe de la « confiance »
dans les partenaires sociaux et leur capacité à
innover et à trouver des compromis adaptés.
Si
l’on s’en tient à la méthode
adoptée quant à
l’élaboration de ce projet de loi, il y a de quoi
contester cette affirmation.
L’article
L.1 du Code du travail, d’ailleurs repris dans le Titre I du
projet de loi, stipule que tout projet de réforme de la
législation du travail envisagé par le
gouvernement qui relève du champ de la
négociation nationale interprofessionnelle fait
l’objet d’une concertation préalable
avec les partenaires sociaux en vue de l’ouverture
éventuelle d’une négociation. La
période récente a déjà
été marquée par une
interprétation discutable de cette disposition (loi pour la
croissance, l’activité et
l’égalité des chances
économiques pour les articles relevant du droit du travail
ou encore la loi habilitant le gouvernement à simplifier et
sécuriser la vie des entreprises).
Une
nouvelle étape est franchie avec le texte qui nous est
aujourd’hui soumis en consultation, notamment du fait de
l’étendue des articles et des sujets sur lesquels
il intervient, comme le temps de travail ou encore la modification de
la définition du licenciement économique. Sur ce
point les organisations syndicales de salariés ont
été mises devant le fait accompli face
à une disposition manifestement
concédée sous la pression du Medef. Il
n’y a même pas eu de transmission officielle du
texte. Diverses versions ayant circulé, suite à
la contestation, des discussions ont finalement
été ouvertes avec les organisations syndicales.
Alors que des rencontres entre le gouvernement et les syndicats sont
programmées aujourd’hui, vous nous
représentez le texte du 29 février qui ne peut
pas prendre en compte les évolutions et dans lequel les
coquilles et incohérences n’ont même pas
été corrigées. Là aussi, le
fait que nous nous réunissions ce matin laisse
présager qu’aucune négociation ne sera possible
lors des rencontres avec le Premier Ministre.
La
CGT
le redit, il convient de redéfinir un mécanisme
de concertation allant plus loin que l’article L.1. La
concertation devrait être tripartite impliquant le
gouvernement et/ou les parlementaires à l’origine
d’une proposition de réforme en droit social.
Au-delà
de la méthode, il y a bien une question de confiance qui est
posée, mais ce n’est pas tout à fait
celle définie dans l’exposé des motifs.
Ce qui saute aux yeux avec ce projet, c’est
l’absence de confiance du gouvernement dans la
capacité à bâtir une
société où le travail soit une source
d’épanouissement, de réalisation de
soi, une contribution essentielle au « bien vivre ensemble
» et au développement économique et
social. Au lieu de miser sur cette confiance, le gouvernement
s’obstine à ne penser le travail que sous la
pression idéologique d’un «
coût » à réduire.
C’est
ce qui traverse l’ensemble de cet avant-projet,
c’est ce qui fait sa nocivité, c’est ce
qui conduirait à un recul historique s’il
était adopté.
La
philosophie du projet met aussi en avant l’ouverture par la
négociation d’un vaste espace
d’adaptation aux « besoins économiques
». Chaque partie du Code du travail sera
réécrite selon une nouvelle architecture : les
règles d’ordre public, le champ renvoyé
à la négociation collective, les
règles supplétives en l’absence
d’accord. Fondamentalement, ce que porte ce projet de loi,
c’est que les droits et les garanties devraient
s’effacer devant les impératifs
économiques, les intérêts financiers
notamment des actionnaires.
Quant
à la négociation collective, on comprend
à la lecture du projet que le seul objectif qui lui est
assigné soit l’adaptation aux besoins
économiques. On s’éloigne un peu plus
d’un droit des salariés mis en œuvre par
les organisations syndicales : la négociation collective
serait destinée à s’inscrire dans la
course au moins disant social pour les salariés et les
entreprises. On peut d’ailleurs
s’inquiéter de l’apparition de la notion
de « bon fonctionnement de l’entreprise »
qui ouvre à toutes les interprétations au regard
de la protection des travailleurs.
Ce
projet de loi sanctuarise la tendance qui ronge la
négociation collective depuis des années et rend
plus complexe le droit du travail : ouvrir sur un maximum de
dérogations que l’employeur pourra imposer par
accord d’entreprise. Tout ceci au nom d’un soi-disant
coût du travail.
Pour
ce qui nous concerne aujourd’hui, nous pouvons même nous
demander quelle peut être la nécessité
pour un apprenti de faire des heures supplémentaires. Est-il
réellement en formation ou n’est-il pas simplement une main
d’œuvre bon marché ?
Si
le projet instaure le principe des accords majoritaires – que la CGT
demande depuis des années – celui-ci est
d’emblée contrebalancé par le recours
possible au référendum par les organisations
représentant 30 % des suffrages. La manœuvre, un
peu grossière, dissimule mal l’objectif de
contourner la capacité de résistance des
organisations syndicales et des salariés au chantage
exercé par un certain nombre d’employeurs. On a vu
la division entre salariés, catégories de
personnel que cela peut générer. Est-ce cela
favoriser la vitalité et la confiance dans le dialogue
social ? Est-ce cela la sérénité dans
l’entreprise ?
Madame
la Ministre, pour la CGT
cet avant-projet ne doit pas se traduire comme tel dans la loi. Les
organisations syndicales et les organisations de jeunesse qui ont
manifesté partout en France le 9 mars, ont envoyé
un message fort considérant que « le droit
collectif n’est pas l’ennemi de l’emploi
».
A
la CGT,
nous sommes résolus à travailler, dans
l’unité la plus large, à une
réaction forte et coordonnée du monde du travail
pour contrer ce projet mais ouvrir d’autres perspectives que
celles sous-tendues par celui-ci : les protections sociales ne sont pas
la cause du chômage ! Ce qui doit être à
l’ordre du jour, c’est la prise en compte de droits
nouveaux pour répondre aux défis du
XXIème siècle. La CGT
ne manque pas de propositions dans ce sens pour instaurer une
véritable sécurité sociale
professionnelle, s’appuyer sur une augmentation des salaires
et la réduction du temps de travail à 32 heures.
Il faut fortifier le code du travail, redonner le sens du
progrès social à la négociation
collective pour répondre aux besoins des travailleurs
d’aujourd’hui.