Levons un poing médian ! La chronique de Zirteq
Chers lecteurs et chères lectrices,
Ce week-end, après avoir fini la semaine de reprise sur les chapeaux de roue : trois classes à fermer because cas de COVID, variant Plessis-bucardésien avec fiches et tableaux Excel à renvoyer, parents à prévenir et enfants aussi à «renvoyer » dans leurs chaumières, j’ai reporté la lecture de mes méls au bout du bout du dimanche. Et BAM !
Il le fait ! Dark Blanq exclut l’utilisation du point médian à l’école. Une circulaire « y’a plus qu’à fermer vos gueules » proscrit le recours en classe à l’écriture inclusive, en préconisant toutefois la féminisation des métiers et des fonctions.
Lors d’une allocution du haut de son vaisseau amiral « Black Kompressor », il dénonce « la complexité » et l’« instabilité » de l’écriture inclusive, qui constituent des « obstacles à l’acquisition de la langue comme de la lecture. Il confirme « l’existence d’un risque énorme avec le point médian quant à la transmission du français. » Il clame que « mettre des points au milieu des mots est un barrage à la transmission de notre langue pour tous, par exemple pour les élèves dyslexiques ». Enfin, il conclut : « On a un énorme enjeu de consolidation des savoirs fondamentaux, et l’écriture inclusive vient en barrage de cet enjeu. »
Première question : L’écriture inclusive est-elle enseignée en classe ?
Réponse : non.
Deuxième question : Où veut en venir Dark Blanq ?
Réponse : Tous comme d’anciens sinistres de l’Instruction de droite qui ont occupé le vaisseau amiral rue de Grenelle, il est furieusement nostalgique d’une école d’antan, sépia, figée dans le plomb d’un socle commun, dont il leste toutes les personnes qui sont sont sous ces ordres. Au pas les fonctionnaires ! En passant, il jette aussi de l’huile sur le feu entre Anciens et Modernes, entre droite et gauche classiques qui cherchaient des os à se disputer, impuissants qu’ils sont à combattre les propositions politique d’une extrême-droite qui s’en tamponne le coquillard mais pas la cocarde de l’écriture inclusive.
Troisième question : Mais qu’est-ce que l’écriture inclusive ?
Eléments de réponse :
– Selon Raphaël Haddad, fondateur d’une agence de communication et auteur d’un manuel sur ce sujet, elle se définit par « l’ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes. »
– Portée, notamment par les cercles féministes, cette graphie se fonde, principalement, sur quatre principes :
a) Le fait d’accorder les fonctions, métiers, grades et titres, en fonction du genre : on parlera ainsi de chroniqueuse, chercheuse, mais aussi d’une autrice ou encore d’une doctoresse.
b) Utiliser à la fois le féminin et le masculin quand on parle d’un groupe de personnes : il y a plusieurs façons de le faire : soit par l’utilisation de ce qu’on appelle la double flexion – « les candidates et candidats » –, soit par le recours au « point milieu », aussi appelé « point médian » – « les candidat·e·s » –, soit enfin par une reformulation épicène, c’est-à-dire un nom qui a la même forme aux deux genres – « les personnes candidates » ;
c) Cesser d’appliquer la règle de grammaire : « le masculin l’emporte sur le féminin », au profit de l’accord de proximité : cela consiste à accorder l’adjectif avec le sujet le plus proche, par exemple « les garçons et les filles sont égales ». Cette règle, que tous les latinistes connaissent, a longtemps été d’usage en français.
d) Eviter d’utiliser « Homme » avec une majuscule de prestige pour parler des femmes et des hommes : l’idée est d’utiliser des termes plus neutres, comme « droits humains » plutôt que « droits de l’Homme ».
La parution en mars 2017, du premier manuel scolaire en « grammaire égalitaire » avait suscité l’ire des linguistes, philosophes et responsables politiques de tout bord. Le projet de cet ouvrage destiné au cours élémentaire (CE2) – qui tient compte des recommandations du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes parues en novembre 2015 – est pourtant aussi simple qu’il est controversé : respecter l’égalité entre les sexes lorsque l’on s’exprime oralement ou que l’on rédige un texte.
Les détracteurs de l’écriture inclusive l’assimilent automatiquement à l’utilisation du « point médian ». Ils considèrent qu’elle renie des siècles d’histoire de la langue française, faisant fi des nombreuses évolutions linguistiques qui ont traversé les siècles. Ils pensent qu’elle est impossible à mettre en application à l’oral.
Professeure émérite de littérature de la Renaissance, Eliane Viennot rappelle que le français n’a pas toujours valorisé la prédominance du masculin :
« Jusqu’au XVIIe siècle, les noms des métiers et des dignités exercées par des femmes étaient au féminin ». On disait alors « charpentière », « prévôte » ou « moissonneuse ». La règle d’accord de proximité voulant que le dernier mot l’emporte, et non le masculin, était courante. Elle a, finalement, été remise en cause puis abolie par l’Académie au nom de la supériorité masculine, comme l’a édicté en 1651, le grammairien Scipion Dupleix, « conseiller du Roy » : « Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins. »
User de l’écriture ou du langage inclusif consiste, simplement, à user du féminin et du masculin, lorsque l’on s’adresse oralement à des femmes et à des hommes, ou lorsque l’on rédige un texte qui traite des femmes et des hommes.
Alain Rey, linguiste, ne se positionne pas en défenseur de l’écriture inclusive et note « qu’il sera difficile de dépasser les règles d’accord, même si elles comportent une bonne part d’arbitraire et d’idéologie ».
Sauf que l’écriture inclusive ne s’intéresse pas aux genres des noms communs puisqu’ils ne sont pas le marqueur d’une domination d’un groupe d’individus sur un autre. Pas question, donc, de féminiser « un tabouret », « un paillasson », « un lave-linge », ni de masculiniser « une machine à laver », « une serviette » ou une « douche ».
Quant aux cris d’orfraies que poussent certaines personnes effarouchées par l’imposition de l’écriture inclusive qui se généraliserait à tous les écrits, Eliane Viennot rétorque : « Pas de faux procès, nous ne voulons rien imposer en littérature ! Nous parlons des sciences humaines, des textes officiels, scolaires ou journalistiques, qui cherchent l’exactitude. Pour éviter la cacophonie, il faut établir des conventions, elles sont en cours d’élaboration, nous sommes encore en phase d’expérimentation… »
Dire que Dark Blanq visait le sinistère de l’Intérieur et de la Sûreté nationale. S’il l’avait obtenu, sûr qu’il aurait envoyé des escadrons de la Droiture tonfater toutes ces hordes honnies de féministes qui prônent l’écriture inclusive. Egalitaire.
Je me suis couché à deux plombes du matin, rincé, après avoir écouté 3ème sexe d’Indochine.
Dans la rue, des tenues charmantes
Maquillé comme mon fiancé
Garçon, fille, l’allure stupéfiante
Habillé comme ma fiancée
Cheveux longs, cheveux blonds colorés
Toute nue dans une boîte en fer
Il est belle, il est beau décrié
L’outragé mais j’en ai rien à faire
J’ai pas envie de la voir nue
J’ai pas envie de le voir nu
Et j’aime cette fille aux cheveux longs
Et ce garçon qui pourrait dire non
Hey, hey
Et on se prend la main
Et on se prend la main
Une fille au masculin
Un garçon au féminin
Et eux ne valaient rien
Et eux ne valaient rien
Et on en a plus besoin
Et on en a plus besoin…
Zirteq, 128ème jour