L’évaluation d’école : attention danger !
L’évaluation d’école nous est présentée avant tout comme une tendance européenne, et non hexagonale. Elle est en fait issue de la loi dite pour « une école de la confiance », rejetée par une large majorité de la communauté éducative.
Après une première expérimentation lancée par le gouvernement à Paris notamment, cette évaluation sera généralisée dès la rentrée 2022, sur la base de 20% des écoles par an. Cela s’effectuera notamment par regroupements de petites écoles.
Chaque regroupement ou école sera évalué-e sur une périodicité de 5 ans et l’évaluation s’étalera sur un laps de temps assez important, 2 trimestres environ. Cette évaluation aboutira à la mise en place d’un nouveau projet d’école, qui sera donc réévalué au terme du quinquennat suivant.
On ne nous la vend pas comme une inspection d’école, mais comme une évaluation non individuelle. C’est la structure, et non les personnes, qui seraient sous le feu de ce processus. La finalité serait bien entendu l’amélioration du système public puisque la stratégie individuelle de chaque école serait ainsi optimisée. Ce serait dans le fond une aide pour la réussite de tous les élèves…
Les domaines évalués seront choisis parmi 4 : apprentissage et suivi des élèves, environnement institutionnel et partenarial, bien-être de l’élève et climat scolaire et enfin acteurs et fonctionnement de l’école.
Une phase d’auto-évaluation de 8 à 12 semaines aura pour objectif « d’analyser l’école dans sa totalité », en intégrant les temps scolaires et périscolaires, et en faisant participer les enseignant-e-s, les parents, les élèves et la collectivité locale. Ce travail sera largement mené par les directeurs-trices, même si aucun temps dédié n’est précisé. Cette phase ne comprendra pas la présence d’évaluateurs mais pourra être accompagnée. A la fin, un rapport d’auto-évaluation sera envoyé à une commission indépendante.
Commencera alors la phase d’évaluation externe, menée par des personnels désignés par le DASEN et n’intervenant pas dans l’école (IEN, CPC…). Cette commission fera passer des entretiens dans l’école mais aussi avec les parents, les collectivités, etc ou mènera des observations au sein de l’école. Un pré-rapport sera ensuite soumis et discuté à l’école. Puis le rapport d’évaluation finale établi, véritable contrat d’objectifs, sera présenté en conseil d’école, donnant lieu à un nouveau projet d’école.
Au final, cette commission de pilotage externe ne fera rien d’autre que vérifier la mise en conformité des pratiques et des objectifs des écoles avec les orientations académiques et nationales.
Ce processus semble donc inquiétant à plusieurs titres.
Les indicateurs proposés ne sont autres que les évaluations nationales CP-CE1, largement contestées par la communauté éducative car peu révélatrices des véritables compétences des élèves et sans doute amenées à être de plus en plus biaisées par le bachotage réalisé dans certaines écoles.
En outre, les questionnaires de « satisfaction » qui seront adressés aux parents et aux élèves font froid dans le dos. Ce seront là les attitudes et pratiques des enseignant-e-s qui seront jugées, renforçant ainsi un clientélisme qui n’a pas droit de cité dans le service public de l’éducation nationale.
Cela risque également de créer une fois de plus de l’épuisement et du découragement, tant au niveau des directeurs-trices dont la charge de travail s’alourdira encore, mais aussi des équipes, confrontées dans la réalité à l’impossibilité de mettre en oeuvre certaines préconisations, faute de moyens supplémentaires et face à des classes toujours surchargées.
Le risque est donc grand que cette nouvelle forme de management génère une logique de comptes à rendre, avec une mainmise largement renforcée sur le corps enseignant.
Ce qui est certain, c’est que cette gestion entrepreneuriale n’améliorera en rien la qualité du service public, mais alimentera largement le jeu de la concurrence entre les écoles !