La trêve des confineurs
Chaque fin d’année, l’actualité politique connaît une période d’accalmie : c’est la « trêve des confiseurs » décrétée par les parlementaires au XIXe siècle, à l’époque où la troisième République était encore menacée.
En décembre 1874, ces parlementaires décidèrent donc de mettre en sommeil leurs débats et leurs querelles afin – prétendirent-ils – de laisser les Français profiter des fêtes de fin d’année. « On convint de ne pas troubler par nos débats la reprise d’affaires commerciales qui, à Paris et dans les grandes villes, précèdent toujours le jour de l’an », écrivit dans ses mémoires le duc Albert de Broglie, figure de la droite monarchiste de l’époque.
31 décembre 2020 : même si la mise en place d’un couvre-feu plus restrictif dans une quinzaine de départements débutera demain, une « trêve des confineurs » a été instauré, trêve durant laquelle on n’a pas ou peu vu le sinistre de l’économie, sans doute très occupé à compter les milliers de nouvelles suppressions d’emplois, à préparer ces futurs discours en les bourrant d’éléments de langage chloroformants, à répondre aux courriers des tenanciers de discothèque qui compilent des dizaines de jours de défaite. On a peu vu aussi la sinistre de la Culture qui se fait de plus en plus discrète et muette quand il faut parler, justement, de culture. On voit quand même le 1er sinistre avec ses lunettes sillonner le pays et rendre hommage aux troupes, on voit le sinistre de la Santé qui fait, à l’instar de celui de l’Instruction, Dark Blanq, un pas en avant et deux en arrière, ne sachant plus où donner du masque, assumant d’abord une stratégie « pédagogique » lente concernant la vaccination et puis, il y a quelques heures, confirmant l’accélération des piquouzes après sans doute un conseil de défense où le Résident a dû taper du poing sur la table. Enfin, on voit et on entend toujours Dark Manin s’agiter dans « ce cher pays de notre enfance » par micros, tweets et mensonges interposés, flanqué de son berger Lallement. Ce qu’ils visent, eux, c’est la sécurité, le non tir de feux d’artifice, de pétards, mortiers et autres bombes agricoles, un « poing » c’est tout.
En 1874, le pays vivait sous un régime institutionnel provisoire : il n’y avait plus qu’une chambre au parlement et les Républicains y affrontaient les monarchistes et les bonapartistes. Le Second Empire était tombé en 1870 et le régime qui lui succéda, fit l’objet d’âpres débats politiques. Les Républicains, en position de force, exigeaient le débat sur la future constitution tandis que monarchistes et bonapartistes cherchaient au contraire à en différer les discussions. Si, quatre ans après la défaite de la France face à la Prusse, dans un pays économiquement en pleine reconstruction, la nécessité de ne pas entraver la bonne marche des affaires fut avancée par certains, il semble que les raisons qui conduisirent à décréter cette trêve furent essentiellement politiques.
Ceux qui nous gouvernent excellent toujours dans l’art de nous faire avaler des couleuvres, à fortiori lorsqu’elles ressemblent à des sucres d’orge.
Avec ma chère épouse et nos deux filles nous avons, hier soir, ripaillé et réveillonné comme des fous, devant des plats pour 4 à 6 personnes max, aussi succulents les uns que les autres. Mais avant, en prime time, nous avons écouté le Résident de la République causer dans la petite lucarne, assis derrière une table basse ronde en verre.
Quatorze minutes et cinquante-quatre secondes de foutage de gueule.
Que je résumerai par une formule condensée : « Le printemps 2021 sera le début d’un nouveau matin français annonciateur de la France de 2030 que nous bâtirons ». Amen et poil aux cons ! Zacron 1er mué en prédicateur, déballe tout le stock d’espoir et tous les produits dérivés en sa possession, pour faire croire au peuple -qu’il méprise, sermonne, violente depuis le début de sa mandature– du « cher pays de notre enfance » que d’ici trois mois, on va, de Dunkerque à Tamanrasset, péter dans la soie, créer des zemplois, produire de la croissance et tout le tralala.
Mais quel « mytho » ! Mais quel foutage de gueule !
Il nous vaseline, conscient qu’il serait, du haut de son palais de verre, des sacrifices consentis par le peuple. Il nous dit penser aux 64 00 victimes de la COVID. Soit. Mais les autres morts ? Comme s’il n’y avait pas d’autres morts, comme si n’existait que le coronavirus. Il évoque le cortège des précaires, des pauvres, de toutes celle et ceux qui morflent et qui en traversent des rues pour trouver du taf, et qui s’en serrent des ceintures pour que leur petite entreprise résistent aux conséquences économiques des confinements, des couvre-feux, des restrictions et interdictions d’en-haut, pour que leurs coquillettes aient un goût de lendemain au fromage râpé.
Pas un mot sur le bilan de la gestion de la pandémie. Sur son bilan. Pas un mot sur les mensonges, les errements du gouvernement. Ses erreurs, ses errements. Mais des prénoms sortis d’un chapeau compassionnel, comme un tirage au sort d’une poignée de citoyennes et de citoyens emblématiques d’une âme et d’un récit patriotique, pour faire plus « peuple », plus proche de possibles futurs zélecteurs. L’émotion surjouée pour nous faire oublier un réveillon de merde, garni de dindes, chapons, huîtres, foies gras, bûches saturés d’amertumes et de colères.
Zacron 1er a décidé d’inviter des « parcours zexemplaires », « visages de l’espérance, visages de France », symboles d’unité et de résilience… J’en ai gerbé mon vol au vent et mon Chardonnay millésimé. Zacron 1er convoque des gens du peuple, s’adresse putassièrement à la djeunesse pour se redorer la pilule, se refaire…la santé. Grandiloquer, inventer un Wonderland à venir est pratique pour qui veut dissimuler les toujours improvisations, impréparations, manipulations d’un gouvernement retors. Zacron 1er nous raconte des zhistoires : il est l’avatar hors-sol d’un Père Castor, celui de notre enfance.
En famille unie et résiliente, nous avons alors fini notre repas de « fêtes » et puis j’ai pendu la boule à facettes, installé les spots multicolores stroboscopiques, lancé sur la platine du tourne-disque orange Phillips, la chanson « Ma quale idea » par Pino d’Angio dont les paroles, si on les considère sous l’angle de la relation entre le Résident et la Nation, prennent une saveur très particulière, symbolique d’une gouvernance ultra cynique.
Je l’ai chopée en discothèque avec le regard du serpent
Je me suis approché
Elle ne comprenait déjà plus rien,
Je l’ai regardée,
Elle m’a regardé et je me suis déchaînéFred Astaire comparé à moi était statique et empoté.
Je lui ai lancé un baiser sur la bouche,
Un de ceux qui choquent
Sur la piste endiablée, dans l’ambiance, je l’ai bousculéeJe l’ai lancée,
Rattrapée,Sans souffle, je l’ai laissée !
Entre les bras, elle m’est tombée
Elle était cuite
AmoureusePar les hanches, je l’ai bloquée
Et j’en ai fait de la confiture!!! Oh yeah !
On dit comme ça, non ?
Et puis ? Et puis ?Quelle idée
– Mais quelle idée ?
– Tu ne vois pas qu’elle n’est pas d’accord ?
– Quelle idée ! –
Mais quelle idée ? Elle est maligne mais elle saura te tenir en respect– Rester loin d’un frimeur comme toi !
Quelle idée !– Mais quelle idée ? Tu ne vois pas qu’elle n’est pas d’accord ? Quelle idée !
Un bouffon comme toi et puis qu’aurais-tu de spécial qu’un autre n’a pas ?!
Quelle idée !– Mais quelle idée ? Attention, elle en sait long !
Elle va te faire tourner en rond sans jamais avoir ce à quoi tu prétends et excuse, au fond, excuse, toi, qu’est-ce que tu lui donnes ?Une pensée m’est venue dans la tanière
Je l’ai amenée je lui ai versé une orangeade et elle a ri aux éclats
A mon whisky elle s’est agrippée
Cinq litres elle a écluséElle m’a semblé belle. Elle est partie. Elle m’a embrassé. Je l’ai embrassée.
A un moment, je l’ai attrapée entre mes bras elle s’est dégagée.Elle m’a regardé, je l’ai regardée, je l’ai bloquée, caressée.
Sur son petit visage de fée mais elle ressemblait à une patate.
Je l’ai attrapée, je l’ai fouettée et je n’en ai pas fait une omelette !
Oh yeah ! On dit comme ça, non ? Et puis ? E puis ?Danse ! Danse ! Quelle idée ! Quelle idée ! Danse ! Danse !
Meilleure année 2021 possible. Prenez soin de vous.
Zirteq, 1er jour de janvier