Jour de carence : coupables
d’être malades ?
«
Tout d’abord, si l’on examine de près la
situation des salariés du privé, on
s’aperçoit que les deux tiers d’entre
eux sont couverts par des conventions collectives qui prennent en
charge les jours de carence. Donc, « en vrai », comme disent les enfants,
la situation n’est pas aussi injuste que celle que vous
décrivez ».
Emmanuel
Macron, alors ministre de l’économie,
répondant à un sénateur de droite en
2015…
Le
30 décembre 2017 les parlementaires ont voté le
rétablissement du jour de carence dans la fonction publique.
La circulaire d’application devrait paraître
dès le mois de février mais le délai
de carence s’appliquera rétroactivement au 1er
janvier 2018 pour tous les agents publics placés en
congé de maladie ordinaire. La CGT
Éduc’action dénonce cette mesure
injuste, inefficace et insultante pour les personnels !
– Une mesure
injuste
Le
rétablissement du jour de carence doit corriger une
soit-disant inégalité public-privé.
Or, pour deux-tiers des salariés du
privé, les trois jours de carence sont actuellement couverts
par divers dispositifs (convention collective, accord
d’entreprise,…) pris en charge par les employeurs.
L’égalité dans ce domaine devrait en
fait passer par un dispositif de couverture pour la minorité
de salariés du privé qui aujourd’hui
n’en bénéficient pas. Sous couvert de
justice, c’est en réalité une mesure totalement
idéologique visant à opposer les agents publics
aux salariés du privé…
Les
congés maladie ne sont d’ailleurs pas plus
fréquents en moyenne dans le secteur public :
c’est ce
qu’a démontré une étude de la DARES
dès 2013. Selon cette étude, les
salariés du privé en CDI ont le même
taux d’arrêt maladie que les fonctionnaires. La
vraie différence se fait avec les salariés
à statut précaire. Plus que le statut public ou
privé de l’emploi, c’est la
précarité de l’emploi et des conditions
de travail qui pèse sur le taux d’arrêt
maladie.
– Une mesure inefficace
L’instauration
du jour de carence sous la présidence Sarkozy avait
été totalement inefficace, comme une
étude de l’INSEE parue en novembre le
démontre bien. Le jour de carence a bien fait
baisser les congés maladie de deux jours mais il a fait
progresser de +25% les arrêts de 1 à 3 semaines.
Pire, le nombre de jour d’absence d’une
journée pour raison de santé est resté
stable dans la fonction publique, mais pour éviter une
retenue de salaire, les agents ont
préféré substituer à
l’arrêt maladie un autre type d’absence
(RTT ou congé).
Les
fonctionnaires et agents publics en maladie restent
rémunérés directement par leur
employeur et non par la Sécurité sociale : avec
le jour de carence, l’Etat procède à
une économie directe sur les salaires qu’il doit
verser qu’il estime à peine à 170 million
d’euros… Si le gouvernement cherche des gisements de
revenus, on peut trouver mieux ! Le travail au noir
représente 9 à 15 milliards par an de manque
à gagner pour les comptes sociaux, soit
davantage que la totalité des sommes versées au
titre des indemnités journalières pour absence
maladie…
– Une mesure
insultante
Enfin,
ce jour de carence constitue une véritable insulte pour les
agents publics. Son instauration se fait au nom de « la lutte
contre l’absentéisme » et revient à
considérer chaque malade comme suspect de fraude
et, dans le doute, à le sanctionner d’office. Les
médecins sont au passage considérés
systématiquement comme des pourvoyeurs
d’arrêts de complaisance. Pourtant, les
arrêts courts sont généralement le
meilleur moyen de prévenir des pathologies plus graves : le
jour de carence va favoriser les retards de consultation et
différer les prises en charge médicales
. En termes de santé publique, c’est une mesure qui
fragilise la santé des agents et peut finir par
coûter très cher…
En
lieu et place de cette attaque en règle contre le
gouvernement a la responsabilité de considérer et
de traiter les causes réelles d’une
grande partie des arrêts maladie dans la fonction publique,
à savoir la dégradation des conditions de travail
et la souffrance générée par les
politiques d’austérité.
Il devrait aussi renforcer la médecine de
prévention.
La
CGT
Éduc’action dénonce ce mauvais coup
supplémentaire contre les fonctionnaires,
totalement infondé, qui s’ajoute au gel de la
valeur du point, aux hausses de la CSG (+ 1.7%) et de la cotisation
pension civile (+0,27%), aux suppressions d’emplois
annoncées et aux menaces contre nos missions de service
public ! Mobilisons-nous pour obtenir l’abrogation
du jour de carence !