Homo covidus. La chronique de Zirteq
Homo covidus est une espèce du genre Homo, apparue il y a dix-huit mois dans la ville de Wuhan en Chine.
Homo covidus signifie littéralement « homme atteint d’un putain de coronavirus de merde».
Homo covidus représente la plus récente forme bipède connue d’hominine à masque et geste-barrières automatisés, comme celui qui consiste à éternuer dans son coude.
Homo covidus est né du regroupement d’un certain nombre de variants – du Kent, du Cap, de Sao Paulo, de Lannion, du Komodo – qui sont considérés comme des espèces distinctes.
Homo covidus peut être symptomatique ou asymptomatique, confiné, écouvillonné, « pépécéairé », déconfiné, désalivé, acheminé en TGV, enterré sans cérémonie, sans les siens, jeté dans un camion frigorifique ou dans une fosse commune. Homo covidus est tout cela et plein d’autres sombres choses.
Homo covidus peut être âgé de 7 à 77 ans, ou de 0 à plus de 100 ans. Il peut avoir ou pas des co-morbidités, il peut être de n’importe quelles catégories socio-professionnelles, faire partie des premiers-es de cordée ou de corvée, des premières, deuxièmes ou énièmes lignes, il peut télétravailler, travailler devant sa télé, bénéficier du chômage partiel, de primes diverses.
Homo covidus est l’homme ou la femme de l’année. Il-elle peut brandir du haut de son brancard ou de son balcon, son Corona écarlate.
Homo covidus traverse des forêts de blouses d’isolement, de celles qui protègent une personne non infectée contre le contact avec des micro-organismes lorsque des patients sont en isolement frappés par le Covid-19, cette foutue maladie causée chez l’homme par le coronavirus SARS-CoV-2, abréviation du terme “coronavirus disease 2019”, baptisée ainsi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Qui souvent ne sait plus sur quel pied danser ou dans quelle déveine perfuser.
Homo covidus n’a qu’un an et demi mais il a déjà vécu plusieurs versions de confinement – déconfinement – couvre-feu – état d’urgence sanitaire – fermeture des frontières...
Homo covidus peut vite vieillir jusqu’à la mort.
Homo covidus hante les EHPAD dans une robe de chambre de chagrin.
Homo covidus, s’il veut sortir, qu’il vente, pleuve ou neige, qu’il soleille ou grêle, doit se munir d’une liasse d’attestations dérogatoires à la mords-moi-le-noeud, ou d’un QR code ou d’une banale pièce d’identité.
Homo covidus a une marge de manœuvre d’un rayon de dix kilomètres à vol d’oiseau pour s’ébattre dans la nature. Avec au maximum six personnes de son choix. Les migrations sont donc interdites.
Homo covidus doit se distancier socialement, éviter tout lieu de rassemblement, raser les murmures désapprobateurs des milices de la Droiture, tousser derrière un masque chirurgical ou FFP2, une visière, un casque, le creux d’un bras, se laver les paluches au savon sec.
Homo covidus écoute en boucle jusqu’à la nausée, les zexperts, les membres de conseils scientifiques, les épidémiologistes, les viro-infectiologues. Ces hommes et ces femmes parlent, devant des bibliothèques et sous une lumière criarde, de plateaux, de faux-plats, de courbes à écraser, de « Que sais-je ? » à sortir, d’immunité personnelle, collective, d’avenir bouché, de manque de perspectives. D’incertitudes surtout. De « y’avait qu’à, de fallait qu’on ».
Homo covidus a peur de ces incertitudes qui tournoient, tel des charognards au-dessus de son quotidien irrespirable.
Homo covidus dévisage les sinistres du gouvernement qui défilent sur des zantennes pas que chirurgicales, promettant tantôt des millions de masques, tantôt des milliers de respirateurs, et encore des millions de tests, et puis des doses de Pfizer, de Moderna, d’Astra Zeneca à gogo. Sûr qu’on y viendra au super vaccin labellisé « made in Wuhan ». Traiter le mal de là où il est parti. On bouclera la boucle et le serment d’Hippocrate se mordra la queue.
Homo covidus conchie ceux qui monologuent sur le vaccin untel, qui ouvrent des vaccinodromes-fantômes, qui se font piquouzer devant les caméras en prétendant qu’ils n’ont pas senti l’aiguille dans leur muscle scapulaire, dopé par deux mois de boxe anglaise.
Homo covidus a vu l’épidémie se transformer en pandémie, le patient zéro passer le relais à d’autres patients zéro. Il a vu éclore des clusters, des réservoirs de la maladie, des sources contaminantes, des diagrammes, des courbes, des graphiques, des modélisations par milliers qui rougissent, noircissent des cartes du « cher pays de notre enfance ».
Homo covidus a connu la semaine en vase clos, la dizaine, la quatorzaine, la quarantaine, les zécoles fermées, rouvertes (ou ré-ouvertes?), les cantines plexiglassées, les piscines interdites, les gymnases vidés, les centaines de flèches directionnelles pour ne plus savoir où aller.
Homo covidus observe des mômes de six ans saliver dans des tubes en plastocs, fournis par des labos qui ont flairé le bon coup : faire bosser les zautres (éduc, collectivités locales…) à leur place pour « excelliser » les stats gouvernementales et palper de l’oseille. « Oseille, oseille Joséphine » aurait vomi Bashung…
Homo covidus a senti cet air délivré dans ses poumons par un tube placé dans son nez et qui descend dans la trachée.
Homo covidus est revenu du coma.
Homo covidus a côtoyé des « Super spreader », des “super contaminateur” ou “super propagateur”, ces malades qui infectent un grand nombre d’autres personnes alignées à la va-vite dans des USI (Unités de Soin Intensif), que des mains gantées trient en pleurant.
Homo covidus a appris un nouveau mot : zoonose, cette ou ces maladies infectieuses qui peuvent être transmises d’un animal à un humain, par un contact direct ou indirect ou par un vecteur.
Homo covidus ne fréquente plus les marchés à bestiaux et tressaille quand il entend le mot « mondialisation ».
Allez, j’arrête là l’anaphore, la foire aux sermons. Depuis une semaine, j’ai du mal à m’endormir. Alors, au lieu de compter les moutons, j’additionne les Homo covidus que les Panurges d’en-haut chloroforment à coups d’annonces, de ballons sondes, de fausses informations.
Mon ultime traitement -je me refuse à ce que quiconque puisse enfoncer un coton-tige géant dans mon âme – reste la musique. Toute la musique que j’aime. Je descends alors dans le salon, fébrile, sur la pointe des pieds, pour ne pas réveiller épouse et filles chéries, je me sers une bière chinoise et pose sur la platine, une galette noire. Pour cette nuit, ce sera « Wasting my young years » par London Grammar.
Je ferme les yeux pour que la voix ensorcelante d’Hannah Reid me contamine :
« Tu as franchi cette ligne
Trouves-tu difficile de t’asseoir avec moi ce soir ?
J’ai marché tous ces kilomètres mais je les ai faits tout droit
Tu ne sauras jamais comment c’était d’être bien
Je gaspille mes jeunes années
Cela n’a pas d’importance si
Je cours après mes vieux rêves
Cela n’a pas d’importance
Peut-être
Que si
Que nous les gâchons
Peut-être que je gaspille mes jeunes années
Peut-être
Que si
Que nous les gâchons
Peut-être que je gaspille mes jeunes années
Tu ne vois pas que c’est juste de la peur
Je ne m’inquièterai pas, tu as toute ta vie
J’ai entendu que ça prenait du temps pour faire les choses bien
Je gaspille mes jeunes années
Cela n’a pas d’importance si
Je cours après mes vieux rêves
Cela n’a pas d’importance
Peut-être
Que si
Que nous les gâchons
Peut-être que je gaspille mes jeunes années
Peut-être
Que si
Que nous les gâchons
Peut-être que je gaspille mes jeunes années
Je ne sais pas ce que tu veux
Ne me laisse pas comme ça à attendre
Je ne sais pas ce que tu veux
Ne me laisse pas comme ça à attendre »
Il est cinq heures, Contignies-lès-Mormeilles s’éveille. Je brave le couvre-feu, passe devant l’école, devant ce grand portail où je serai tout à l’heure, dans mon costume de directeur masqué et je me fais cette réflexion : « En vérité, Homo covidus n’aura jamais eu de jeunesse ».
Zirteq, 87ème jour