Dotation
globales
et démocratie
Les
dotations globales sont arrivées dans les
établissements. Tout le
monde le sait. Avant la mise en place des Bac pro trois ans et le
détricotage de la fonction publique, cette information
relevait de
l’anecdotique : les prévisions de moyens
correspondaient aux
prévisions d’effectifs et à des grilles
horaires par discipline.
Lorsque la dotation n’y suffisait pas, les proviseurs,
d’un élan
courageux, allaient chercher les compléments de services
pour
parfaire et ajuster une répartition après
consultation
des
membres élus au conseil d’administration ou lors
de discussions
plus informelles.
Depuis
la déréglementation et les incantations du
libéralisme triomphant,
demander des moyens supplémentaires n’est plus une
revendication,
mais une supplique.
Les
grilles horaires sont indicatives. Les dédoublements, hormis
pour
les sections industrielles, ne sont plus que des
préconisations.
Dans
ces conditions, et dans un contexte
généralisé de pénurie de
moyens, comment ne pas aboutir à la mise en oeuvre
d’un
enseignement low coast ? Et comment éviter une tension
croissante
pour
la répartition
de ces moyens entre les enseignants des différents
pôles
disciplinaires, et entre ces pôles et la direction des
établissements ?
On
peut penser unanimement que la solution la plus simple et la plus
efficace consiste à abonder les dotations en moyens.
Après tout,
les délégations syndicales ne vont-elles pas
rituellement réclamer
loyalement à l’institution, et à partir
de leur expertise de
terrain, ce qu’il convient de faire pour mener une politique
ambitieuse pour l’école et digne des valeurs de la
République et
de leur respect ? Aujourd’hui, de loin en loin, il est difficile de
savoir qui nous ment le mieux : celui qui nous dit qu’il faut
être
patient et que l’actuel gouvernement est conscient de nos besoins, ou
celui qui nous dit d’attendre le prochain ? Ce qui
prévaut en
fait, chacun le sait, c’est que nos moyens ne sont pas
indexés sur
nos difficultés et sur des missions éducatives,
mais bien plutôt
sur la dette financière, ou bien plutôt sur son
illusion et son
instrumentalisation, permettant de justifier des politiques
austéritaires sans perspective de changement.
Une
fois fait le constat de l’incroyance actuelle en la la
capacité
d’obtenir collectivement des moyens collectifs, on est
parfois
enclin à se demander si la vérité est
diffamatoire. La peau de
chagrin de nos moyens se défiloche
et,
sans le moindre fard, nous accable de méthodes ad
hoc :
plutôt des hsa que la création ou le maintien de
postes, plutôt la
défense corporatiste d’une discipline que
l’intérêt de
l’ensemble… Ce discours ne s’affiche pas
– ou presque -, il est
ventriloque. Il s’inscrit dans le prolongement du non
remplacement
d’un fonctionnaire sur deux, de la baisse du pourvoir
d’achat.
C’est sa force. S’y opposer,
mais
selon quelle figure ? Peut-on s’opposer à ce qui
ne s’affiche
pas ? S’y opposer, c’est subir le verdict de
l’ignominie et donc
de l’argument ad
hominem
: « Vous n’êtes pas
fréquentables, vos discours sont
violents ! » ; « vous
n’avez pas systématiquement
tort, mais pourquoi le dire ainsi ? », voire
« mais
pourquoi le dire ? » . Pis : la vérité
élémentaire apparait
comme un mensonge et une contrefaçon. On
« optimise » les
ressources humaines à partir d’implicites
gestionnaires et
comptables, cherchant à bras raccourcis des
finalités éducatives
et des cohérences de fonctionnement. La nouvelle donne,
c’est
qu’après presque dix ans de suppressions de
postes, il faut ériger
l’astuce au rang de dialectique pour établir une
structure avec
des heures d’enseignement systématiquement
diminuées d’une
année sur l’autre. Et c’est au nom de
cette vérité absolue
qu’il faut se soumettre, sans avoir au préalable
exprimé ses
désaccords, dans le meilleur des cas.
Tout
se décide ainsi, démocratiquement.
Mais,
on l’a bien compris, l’intérêt
de nos lycée est ailleurs.
Pour
abonder nos dotations de pénurie, proposons à
tous, ou continuons
de proposer à tous, de réfléchir et
d’agir collectivement !
Philippe
Blais, Lycée des Coteaux de Cannes.