Deux ans après le suicide de Christine Renon.
Deux ans après le suicide de Christine Renon[1].
La loi Rilhac vient d’être votée, en seconde lecture, à l’Assemblée Nationale ce mercredi 29 septembre 2021.
Presque sans débat. Un petit après-midi d’automne. Comme entre deux éclaircies, l’averse.
Par 65 voix pour contre 14[2]. Sur 577 députés. Témoignage de l’intérêt majeur porté par la représentation nationale à l’École publique.
Deux ans après le suicide de Christine Renon.
Elle connaissait le quotidien d’une directrice ou d’un directeur d’école. Elle en dénonçait la solitude, partageait le sentiment de ne jamais pouvoir être totalement fière de ce qu’elle faisait, regrettait de travailler dans l’urgence, pour répondre aux injonctions diverses et variées, souvent contradictoires, venant de sa hiérarchie, de la collectivité territoriale. Et pointait cette paperasserie – même numérique – administrative, les enquêtes dont on n’a jamais les résultats, dont on ne sait jamais à quoi elles servent. Autant de charge de travail inutile pour ses élèves, pour les collègues. Les outils inadaptés, inefficients. L’absence d’aide humaine, le sentiment de ne pouvoir compter que sur soi, avec ses faiblesses. L’inexistence de reconnaissance institutionnelle. De considération, tout simplement. Le temps qui défile, qui court, qu’on ne s’approprie pas, même pour se soigner. L’absence d’humanité.
Deux ans après le suicide de Christine Renon.
Vingt-quatre mois de récupération, de tergiversations, de mauvaises réponses à de vraies bonnes questions et un constat partagé par les acteur·trices de terrain.
Une institution qui détruit peu à peu le service public d’Éducation. Qui cherche à faire de l’École un outil de sa politique libérale. Qui la vide de tout son (bon) sens. Qui la déshumanise.
Un gouvernement qui refuse tout ce qui élève et émancipe.
Une majorité qui confond liberté avec libéralisme, autorité avec autoritarisme, démocratie avec démagogie, coopération avec management, animation avec pilotage, citoyenneté avec assujettissement.
Une loi qui transforme la directrice ou le directeur en chef·fe par délégation d’un pouvoir qu’il·elle ne revendique pas. Un leurre qui asservit plus encore qu’il ne libère.
Un État imperméable à l’humain qui se défausse de toutes ses responsabilités propres : former, fournir des outils efficients et des aides humaines, rémunérer dignement les personnels et assumer leur protection, garantir leur bien-être dans l’exercice de leur métier,réduire leur temps de travail hebdomadaire et leur permettre d’accéder moins tardivement à la retraite.
Deux ans après le suicide de Christine Renon.
Un dévoiement.
Comme un affront, comme une insulte.
Encore.
HB
[1] Le 21 septembre 2019. Voir : http://cgteducaction1d.ouvaton.org/Brisons-les-chaines-avant-d-etre-brise-es
[2] 81 votants au total : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/actualites-accueil-hub/proposition-de-loi-creant-la-fonction-de-directrice-ou-de-directeur-d-ecole-adoption-en-2eme-lecture