Chroniques Sociales: Lorsque l’Ecole est attaquée
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Lorsqu’un pilier de la république est attaqué
Le 13 octobre dernier, trois ans après la mort de Samuel Paty, à Arras, le terrorisme a encore frappé l’École. Et c’est l’école qui est frappée parce qu’elle est un pilier de la République, et même selon moi son pilier le plus essentiel. On ne le rappelle que trop rarement, mais au moins à chaque fois qu’un drame se produit.
La première ministre a déclaré le mardi suivant le drame, avec Gabriel Attal, au collège du Bois-d’Aulne de Conflans : « Nous sommes aux côtés de tous les professeurs et de la communauté éducative » ; Le ministre de l’Éducation Nationale a écrit aux professeur⋅es : « je mesure l’honneur qui est le mien d’être votre ministre ». Ce sont de belles paroles, forcément aussi contraintes par le contexte, mais dans les actes, comment se traduit cette considération affichée aux personnels de l’Éducation Nationale ? Regardons le déroulé de la journée de lundi 16 octobre pour nous en rendre compte.
Tout d’abord, le retour des personnels dans les établissements, lundi matin. Alors que les demandes des syndicats étaient modestes, une demi-journée pour se préparer et préparer le retour des élèves, le ministre a ergoté pour accorder deux heures, et encore, uniquement dans les collèges et lycées avec un mépris profond pour les personnels des écoles. Mais deux heures c’est trop court. C’est trop court pour celles et ceux qui pleurent, c’est trop court pour faire une catharsis, c’est trop court pour se conseiller et se soutenir les uns les autres, c’est trop court pour être prêt⋅es à reprendre les classes, dans un état que l’on ignore et où l’on craint d’être déstabilisé⋅es. On l’est d’ailleurs toujours au final. L’école, pilier fondamental de la République, n’aurait-elle pas mérité qu’on lui accorde une demi-journée ? Le bilan comptable des heures non faites, dada du ministre depuis la rentrée, est-il plus important ? Résultat, comme d’habitude, les personnels ont fait du mieux qu’ils et elles pouvaient avec le peu de moyen qu’on leur accorde, et souvent dans la précipitation.
Second temps de cette journée, la minute de silence. Dans les établissements scolaires, elle a été poignante et digne, les enfants eux ont été à la hauteur. Mais ce silence s’est arrêté aux portes des écoles. Dehors, la vie a suivi son cours, presque comme si de rien n’était. Une minute de silence nationale aurait eu du sens, pour montrer l’unité de la population entière lorsqu’un pilier de la République est attaqué. Mais l’unité sera restée uniquement celle de l’Éducation Nationale, comme si nous pouvions en douter. L’École n’aurait-elle pas mérité que la France s’arrête une minute ? Si l’École doit prendre sa part dans la lutte contre les obscurantismes, elle ne peut être seule laissée au front.
Ces actes trahissent la réelle considération que nos dirigeant⋅es ont pour l’École. Mais nous, nous l’avions déjà constaté, depuis deux décennies que l’École est affaiblie par les pouvoirs politiques qui se sont succédé. Une gestion aux inspirations libérales a été appliquée à cette institution, conduisant à ne plus voir en elle que son coût, ou tout au moins prioritairement son coût. Oui, l’Éducation Nationale est le premier budget de l’État, mais n’est-ce pas là la moindre des choses. L’Éducation n’est pas une charge, mais une richesse et elle mérite qu’on y investisse massivement.
Pour terminer, s’il faut évidemment que les établissements scolaires, ses usager⋅es, ses personnels soient en sécurité, ne profitons pas de ce moment pour céder aux tentations du tout sécuritaire de nos élu⋅es locaux⋅les. D’abord parce que, concrètement, la vidéosurveillance, les détecteurs de métaux, la reconnaissance faciale ne sont pas des freins à la détermination des obscurantistes. Ensuite parce ce n’est pas la société ouverte, tolérante, émancipatrice et libre que doit défendre l’École. La bonne solution est moins rapide et moins spectaculaire, mais bien plus efficace sur le long terme : c’est l’éducation, l’éducation avec du respect, sans discrimination sociale, avec la même considération pour chaque enfant, quelles que puissent être ses « performances » scolaires, avec du temps et de l’apaisement pour celles et ceux qui la font tous les jours dans leur classe et avec des moyens humains plus nombreux.