Chronique d’un chaos annoncé |
J’appelle chronique d’un chaos annoncé, le choix, par le résident de la République et son gouvernement, d’utiliser trois articles de la constitution qui validèrent leur refus d’aborder la question de la retraite, par le biais d’une réflexion structurelle fondée sur ce qu’est, profondément, la valeur « travail » pour les gens, les habitants de ce cher pays de nos enfances.
Nous assistons, non sans rage, non sans luttes, non sans mobilisations à un passage en force, orchestré par un pouvoir exécutif aux abois, menteur comme un arracheur de dents, qui pérore que vote, il y a eu. Ce vote constitue le légitime sceau à tout ce qu’il met en place depuis des mois, barnum de fausses négociations, de négations de toute empathie envers tous les premiers, deuxièmes, énièmes et derniers de corvées. Pour ce Pouvoir, le vote majoritaire (à neuf voix près), contre les deux motions de censure présentées par les groupes d’opposition, validait le (leur) processus démocratique. En choisissant cette voie, l’exécutif fait basculer le pays dans une incertitude politique et sociale inédite. Le choix du chaos se fait sciemment contre la souveraineté du peuple. Peuple qui, depuis des semaines, défile puissamment et pacifiquement. Le choix du chaos et les mots du résident de la République, lors de son intervention à la mi-journée d’un jeudi où il sait que ceux qui l’écoutent massivement, les personnes âgées, sont plus sujets à la peur que les autres citoyens. Ses phrases s’additionnent aux déclarations de ses sinistres et autre préfet de la capitale qui distillent peurs et désirs d’être protégés. Des poubelles, des kiosques brûlent, des symboles de la Républiques aussi, similitudes avec l’épisode et les images de dégradations, de saccages par des Gilets jaunes. Le choix des gouvernants est simple : juguler au plus vite ces mouvements collectifs, ces fins de défilés, de rassemblements qui dégénèrent. En ne montrant que les queues de manifs, que les exactions dont sont friands les médias-charognards, le Pouvoir minimise les caisses de résonances, les revendications porteuses d’égalité et de justice sociales, l’incarnation d’un désir de changement véritable de la société par ceux qui la font, la traversent, la transfusent. De nouvelles techniques d’interventions brutales, répressives, les techniques de nasses, les interpellations collectives, les mises à genoux de plusieurs dizaines de manifestants, mains sur la tête n’ont qu’un seul but : dissuader quiconque de repointer le bout de son nez dans une manif. Les personnes qui sont violentées, gazées, oppressées par centaines, par milliers, ces hommes, ces femmes, ces enfants, ces familles, ces personnes âgées, traumatisées, ne reviendront plus grossir les cortèges. Le choix du chaos sécuritaire vise d’abord les néo-manifestants. Les forces de l’ordre appliquent une typologie qui sait trier le grain de l’ivraie, le manifestant de l’émeutier, le novice du Black bloc, le politisé d’ultragauche du citoyen en colère. Mais, ces mêmes forces de l’ordre, taperont, sans vergogne, dans le tas, si ordre de charger leur est donné. L’hyper-résident et ses sinistres, en premier lieu celui de l’Intérieur, interviennent en rafale dans les médias-tuyaux pour faire ruisseler les éléments de langage suivants : extrêmes violences de factieux, factions, menaces, illégitimités, terroristes, émeutes, insurrections, groupes d’ultragauchistes, dangers, dégradations, feux, attaques des symboles de l’état (le rapprochement avec l’envahissement du Capitole est particulièrement putassière), bordélisations, dangers permanents, guérillas urbaines… Alors, à quoi reconnaît-on qu’une démocratie reste une démocratie, qu’elle ne vacille pas, ne bascule pas du côté obscur des extrémismes sécuritaires ? Au climat de paix que le chef de l’état et les parlementaires élus par le peuple, arrivent à créer, à construire. Au fait que les forces, dites de l’ordre, soient dirigées par des responsables qui ont encore à l’esprit que la paix sociale et politique doit être le cap à maintenir. Dans Géopolitique du chaos, Ignacio Ramonet s’interrogeait, il y a presque trente ans, sur les causes des principaux problèmes qui –déjà- préoccupaient les dirigeants et les citoyens de ce monde : injustices, conflits, mondialisation, dérives politiques, pollution. L’auteur s’attaquait surtout aux mécanismes médiatiques susceptibles d’entraîner le citoyen vers des attitudes, des déductions, des raisonnements qui ne seraient forcément pas les siens. Les questionnements portaient sur les véritables détenteurs du pouvoir, les tensions politiques et sociales, les métamorphoses de la culture et les effets d’internet, en cette ère de mondialisation et de globalisation. Macron fait le choix d’invisibiliser les corps intermédiaires : maires, syndicats, associations. Il se coupe du peuple, parce qu’il ne le connaît pas et n’a aucune envie de le côtoyer. Il n’applique avec lui, que de pures techniques de communication, de management entrepreneurial. Le résident et son aéropage vivent dans une serre, une sorte d’Olympe déconnectée, où ils s’autorisent depuis leur arrivée au pouvoir, des choses qui assèchent tout ce que nous appelons les liens humains, sociaux, émancipateurs. Le chaos est à l’origine un terme de cosmogonie. Chez les Grecs anciens, il est un espace immense indifférencié, préexistant à toutes choses, et notamment à la lumière. Dans la tradition judéo-chrétienne, c’est l’état vague et vide de la terre avant l’intervention créatrice de Dieu. Alors, qui est ce faux Dieu s’échinant, clamant devant des millions de téléspectateurs qu’il est prêt à endosser toutes les responsabilités du monde, pour les guider sur le bon chemin ?
Il est temps de sortir de la confusion que Macron entretient, temps d’éteindre ce feu que Macron nourrit pour que nous ayons peur de notre propre ombre sur les murs d’ignorance que son exercice du pouvoir, dresse entre nous. Il est temps de donner au chaos son sens premier : celui de passer des ruines à la lumière.
|
CGT·Educ 06