Le "chef-d'Oeuvre : le parcours du combattant !
Trouver les idées, former les équipes, disposer du matériel nécessaire et des financements pour mener à bien les différents chefs-d’œuvre relèvent d’une gageure et d’un épuisement certain de l’enseignant·e.
Le chef-d’œuvre revêt un caractère pluridisciplinaire qui doit aboutir à la réalisation concrète d’un projet. La dotation devrait se répartir entre l’enseignement professionnel et général, elle n’est pas ciblée au niveau des disciplines et n’ouvre pas droit à du temps de concertation.
- En CAP : Elle est de 87 heures en 1ere année et 78 heures en 2nde année soit 3 heures hebdomadaires élèves. La dotation en heures enseignant·es est doublée (art. 6 de l’arrêté du 21/11/2018).
- En BAC PRO : Il n’y a pas de chef-d’œuvre en 2nde. La dotation est de 56 h en 1ere et 52 h en terminale. Il n’y a pas de dédoublement, sauf si ce dernier est pris sur les heures complémentaires.
Conséquences et …
Une surcharge de travail invisible :
Chaque enseignant·e impliqué·e doit maitriser les différents référentiels pour ne pas être hors-sujet et utiliser un outil de partage numérique pour un meilleur suivi comme préconisé.
Aucune heure n’est dédiée à la concertation des enseignant·es engagé·es dans les chefs-d’œuvre, alors que le suivi et l’évaluation doivent se faire sur 2 an- nées et à différentes étapes de l’avancée des projets.
… Premières dérives :
Chaque établissement est renvoyé à sa propre autonomie et les premiers retours sont éloquents :
- Risque d’annualisation : le vadémécum y invite, en proposant de regrouper ponctuellement les ho- raires des enseignant·es impliqué·es : « La mise en œuvre peut donner lieu à des regroupements ponctuels des horaires de l’ensemble des disciplines professionnelles et générales pendant le temps nécessaire à sa réalisation. L’encadrement des élèves sera assuré par les enseignants de ces disci- plines dans le cadre de leurs obligations de Une réorganisation de l’emploi du temps pendant ces périodes est pertinente afin d’assurer la continuité des activités du projet. »
- Complexification des emplois du temps
- Suivi des projets difficile d’autant que le chef-d’œuvre peut-être
- Impression de perte de temps, de perte de sens du métier.
- Dotations horaires non respectées (très souvent les 6h en CAP ne sont pas allouées).
- Tendance à réduire la part et l’implication des enseignements généraux.
- Concurrence entre les disciplines. Á partir de la rentrée 2020, elle sera renforcée par la mise en place en Bac Pro, sans dotation dédoublée.
Évaluation du Chef-d'Oeuvre
Le chef-d’œuvre fera l’objet d’une évaluation certificative comptant pour la délivrance du diplôme. Cette évaluation est composée pour 50% de la moyenne des notes obtenues pour le projet sur la durée de la formation et pour 50% de la note obtenue à l’oral de présentation du chef-d’œuvre en fin de cursus.
Le jury de l’oral est composé de 2 enseignant·es (Enseignement général + enseignement professionnel) dont l’un·e aura suivi le projet sur le cursus.
Pour sa présentation le·la candidat·e peut s’appuyer sur un support (non noté) de 5 pages maximum.
Ce mode d’évaluation s’applique à tou·tes les candidat·es de la voie scolaire et à ceux·celles en apprentissage qui sont soumi·es au contrôle en cours de formation. Pour les autres types de candidat·es, l’oral de présentation du chef-d’œuvre aura la valeur d’ une épreuve ponctuelle. Les enseignant·es composeront les jurys dans tous les cas. Les collègues (professionnel/ général) qui composeront ce jury seront aussi convoqué·es dès avril ou mai dans les CFA.
Pour le CAP, pour les élèves apprenti·es des EPLE :
Le chef-d’œuvre fera l’objet d’une évaluation certificative comptant pour la délivrance du diplôme avec un coefficient 1 en CAP qui sera imputé sur l’épreuve d’enseignement professionnel comportant le plus fort coefficient (voir décret n° 2019-1236 du 26-11-2019 et arrêté du 28/11/2019). L’oral dure 10 minutes (5 minutes de présentation du CE et 5 minutes d’échanges avec le jury).
Pour le Bac Pro, pour les élèves et apprenti·es des EPLE :
L’oral dure 15 minutes (5 minutes de présentation et 10 minutes d’échanges avec le jury). Les points d’écarts en + ou en – par rapport à 10 de la note globale obtenue seront affectés d’un coefficient 2 et ajoutés ou soustraits au total des points obtenus par le/la candidat·e à l’examen avant le calcul de la moyenne globale. C’est un système de bonus/malus selon que la note est inférieure ou supérieure à 10/20.
Des objectifs et des critères d’évaluations inadaptés :
Les objectifs de l’évaluation font appel à une analyse assez pointue du·de la candidat·e ainsi qu’à une transposition de la démarche durant les PFMP et la future pratique professionnelle. Nos élèves, déjà en difficulté dans les apprentissages, ont bien des lacunes quant à reformuler de tels retours. Il est aussi à noter que les capacités d’analyse et de transposition sont déjà évaluées à travers d’autres épreuves professionnelles, ou lors de retours de PFMP : les candidat·es se retrouvent donc à être jugé·es une nouvelle fois sur les mêmes compétences ! Quant à l’identification des enjeux de transition écologique et/ou numérique dans le champ de la spécialité du baccalauréat présenté parait totalement illusoire et hors sujet pour un diplôme de niveau 3 et 4. Comment un·e candidat·e face à une épreuve orale de 5 minutes de présentation suivi de 10 minutes d’entretien, peut-il·elle présenter, expliciter, argumenter, justifier sérieusement un projet qui, par sa complexité, déstabilise le corps enseignant ?
L’avis de la CGT : Peu investi, et pour cause, par les collègues et les élèves des classes de seconde CAP, stoppé par le confinement, le chef-d’œuvre semble mort-né. Dans ses conditions, la première session de juin 2021 que passeront les terminales CAP risque fort de tourner au fiasco ! Il est urgent d’abandonner ce dispositif pour récupérer des heures purement disciplinaires et pour dans un premier temps remédier aux conséquences de la crise sanitaire. Le chef-d’œuvre porte une vision passéiste et utilitariste de la voie pro, il ne permettra ni une meilleure insertion professionnelle ni des poursuites d’études plus nombreuses. C’est une attaque contre une formation professionnelle qualifiante et émancipatrice.