Agriculture paysanne et campagne… électorale.
Tribune
Certaines personnalités politiques ont pour stratégie d’énoncer des arguments compréhensibles par un.e enfant de 5 ans. Répétés quotidiennement, inlassablement, ils finissent par s’enraciner dans l’opinion publique. Un dictateur allemand tristement célèbre écrivait déjà « Il faut se limiter à un petit nombre d’idées et les répéter constamment.1 » Bien avant, Vilfredo Pareto2 expliquait que les discours utilisant les arguments simples sont bien plus efficaces que les biais logico-expérimentaux, fussent-ils faux !
Prenons un exemple concret : il faut en France une réforme agraire de grande ampleur pour développer l’agriculture paysanne et/ou biologique. Bon nombre de personnes vous diront : l’agriculture paysanne ou biologique n’est pas viable à grande échelle, ça ne permettra jamais de nourrir la planète. C’est qu’eux-mêmes l’ont entendu dire 1000 fois. Argument simple et de répétition, fut-il faux.
Pourtant dans la conclusion de son dernier livre3, Hélène Tordjman, économiste-maîtresse-de- conférence-HDR-à-l’université-Sorbonne-Paris-Nord-et-membre-du-Centre-de-recherche-en-économie-de Paris-Nord (argument d’autorité) écrit : « l’agriculture paysanne produit 70 à 75% de la nourriture consommée mondialement sur un quart des terres cultivées, alors que l’agriculture industrielle en produit de 25 à 30% sur trois quarts des terres cultivées. » Dont seulement « 24% vont directement dans les assiettes des gens ». Au total l’agriculture industrielle utilise donc 75% des terres cultivées dans le monde pour produire 6-7% de la nourriture mondialement produite. Comme dirait un copain : « V’là l’rendement ! Mais V’là le rendement !! » Mais personne ne semble le savoir. Trop complexe ? Trop logico-expérimental ? Ou peut-être n’est- ce pas assez répété ?
Je vous propose donc une petite recette pour convaincre d’une réforme agraire de grande ampleur.
– Répétez à qui veut l’entendre, plusieurs fois par jour :
« Avec 75% des terres cultivées dans le monde, l’agriculture industrielle produit 6-7% de la nourriture mondiale » ;
– Ajoutez un petit argument d’autorité en citant le livre d’Hélène Tordjman et son C.V. (très important le C.V.) ;
– Quand l’interlocuteur paraît hésitant, vous pouvez l’achever avec : « L’agriculture industrielle est une des principales causes de l’écocide planétaire que nous subissons. »
– Citez enfin Frédéric Lordon4 (avec son dernier livre et son C.V. pour l’argument d’autorité) : « Nous sommes en train de vivre un écocide. Cet écocide est la conséquence du système capitaliste. La solution de cet écocide capitaliste ne viendra pas du système capitaliste. »
A la CGT, ou chez nos camarades de la confédération paysanne, il y aura un biais de confirmation qui rend la recette particulièrement onctueuse ! L’idéal est de pouvoir appliquer la recette quotidiennement sur une chaîne d’information. Mais on n’est pas toujours dans les conditions idéales, c’est peut-être ça le problème…
P. Gromann, le 16 mars 2022
1 Cité p. 490 dans Les étapes de la pensée sociologique de R. Aron tel Gallimard, 1ère édition en 1967.
2 économiste italien (1848-1923).
3 La croissance verte contre la nature, éditions de La Découverte, 2021
4 interview donnée par Frédéric Lordon et Bernard Friot chez Taddéï4 le 13 décembre 2021