Nos élèves valent mieux que la poudre aux yeux du ministre
Rentrée scolaire : « Tout est prêt » assurait le recteur de l’académie de Nice. 10 jours plus tard, 500 élèves attendaient toujours leur AESH. Sur 3000 élèves notifiés ou en attente de renouvellement, en effet seuls 2500 étaient pourvus dans les Alpes-Maritimes.
Le service a dû faire avec l’absence d’une coordinatrice sur trois et des conditions de travail que rend périlleuses le retard accumulé par la MDPH depuis des années, encore aggravé par la crise de la Covid.
A cela s’ajoutent des personnels AESH malades ou fragiles, qui ne prennent pas leur poste, ou le lâchent dès les premiers jours.
Selon nos estimations, il manquerait une centaine d’équivalents temps-plein pour couvrir l’ensemble des besoins actuels : précision importante, quand on sait que chaque mois de nouvelles décisions MDPH tombent… et qu’elles vont encore tomber en nombre, vu que des dizaines de demandes prévues pour cette rentrée n’ont pas encore été traitées.
Dès lors, pour notre haute administration, la tentation serait grande d’augmenter le nombre d’élèves suivis par les accompagnants mutualisés. Pour la CGT, les maxima actuels (pour mémoire : 4 élèves pour 24 heures en école; 5 élèves pour 30 heures dans le 2nd degré) sont déjà impraticables car il n’offrent aucune souplesse de gestion.
A ce sujet, il faut savoir que le département se donne pour objectif d’arriver à 80% d’AVS mutualisé·es pour 20% d’AVS individuel·les. Le calcul n’est pas sans fondement : il est vrai que plus il y aura d’AVS mutualisé·es, plus le système offrira de liberté. Surtout si s’instaure le principe que les AESH ne seront plus contractuellement lié·es à des élèves nommément désignés mais à un PIAL. Ce Pôle Inclusif d’Accompagnement Localisé est censé à terme regrouper un collège avec ses écoles de secteur pour répondre, sous la houlette d’un·e coordonnateur·trice, aux besoins de tous les élèves notifiés. Avec un taux de 5 élèves pour 30 heures, « Localisé » risque de prendre tout son sens : dans le bassin de collège où il y aura 21 besoins pour 5 postes, il y aura une petite marge de manoeuvre; là où on atteindra 25 besoins, il faudra un·e coordonnateur·trice talentueux·se pour relativiser l’importance des demandes et expliquer que la dyslexie de Camille vaut moins que la dyspraxie de Dominique, que les enseignant·es ont toute compétence pour suivre chacun des élèves de leur classe, et que de toute façon, on pourra réviser cela dans six semaines. Pendant que localement, on s’arrachera les cheveux, le Ministère s’appuiera sur les moyennes pour pérorer que 100% des besoins sont satisfaits.
La phase de transition sera d’autant plus délicate, que les personnels concernés n’ont pas été recrutés jusqu’ici avec la polyvalence en ligne de mire : une partie d’entre elles et eux ne se voient pas travailler qui en primaire, qui dans le second degré, qui en BTS. Et certes, les compétences à mettre en oeuvre sous le vocable « accompagnement » sont extrêmement diverses. En outre, le désir de travailler avec tel ou tel âge ne se décrète pas dans le cabinet du ministre. Enfin, n’oublions pas que ces emplois restent des temps partiels imposés payés au SMIC horaire : nombreux·ses sont celles et ceux qui complètent leur revenu avec des surveillances de cantine; il peut être difficile, voire impossible, d’y arriver à l’heure si on vous affecte dans une autre école.
La cédéisation de ces emplois est assurément un plus. Mais sans formation, sans temps plein, sans revalorisation salariale, la précarité demeure et c’est sur le dos des personnels que l’on se gargarise de l’école inclusive.
Sur le dos des personnels? Oui, si on arrive encore à en embaucher dans ces conditions…
La CGT Educ’Action 06 milite depuis des années pour l’affectation dans les écoles et établissements d’aides éducateurs·trices titulaires assurant des missions diverses de soutien et d’accompagnement, mais aussi de secrétariat de direction. A ce titre, ils relèveraient non d’une mesure de compensation du handicap, mais d’un dispositif d’accessibilité de l’école. Leur rôle, auprès d’élèves handicapés ou non, serait ainsi défini au plus près des besoins. Mais on réfléchirait alors à une toute autre échelle en termes de créations d’emplois, de formation des accompagnant·es et des équipes : ce n’est plus l’école-de-la-confiance-dans-la-parole-du-ministre, mais celle de l’ambition pour nos élèves, pour tous nos élèves.