1er Conseil Supérieur de l’Education du nouveau Ministre
Déclaration de la CGT Éduc’action au CSE du 20 Juin 2022
Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les membres du CSE,
Après la séquence présidentielle, les résultats des élections législatives confirment une crise majeure des institutions démocratiques dans laquelle le Président Macron porte une large responsabilité. Progression inquiétante de l’abstention et de l’extrême-droite, conséquences des politiques libérales qui ont brisé les plus vulnérables et les plus fragiles, et qui ont sabordé les services publics. Mais surtout votre gouvernement ne dispose pas d’une majorité absolue à l’assemblée nationale. Par conséquent comment et avec qui allez-vous gouverner ?
La défaite de l’ex-ministre JM Blanquer dans les urnes s’apparente à une sanction de la politique délétère qu’il a menée pendant 5 ans, pourtant vos premières déclarations le disent : vous vous inscrivez dans la continuité de son action.
Votre feuille de route est claire, vous devez mettre en œuvre le programme présidentiel pour l’École annoncé durant la campagne, mais le rapport de force politique issu des élections législatives ne le permettra pas aussi facilement que prévu. Vous devrez écouter davantage les propositions des organisations syndicales, et éviter les passages en force.
Si beaucoup de choses restent floues dans le programme présidentiel, la philosophie générale est sans ambiguïté : autonomie et management, libéralisation et mise en concurrence généralisée des territoires, des établissements et des personnels.
Force est de constater que vos premières déclarations ne laissent pas beaucoup de place à la discussion :
D’ores et déjà, les grands débats tels que vous les décrivez, n’auront d’autres objectifs que le renforcement de l’autonomie et la poursuite de la déconstruction du cadre national de l’Education nationale à l’opposé de ce que veulent les personnels. Pour la CGT, les problèmes de l’Ecole ne se résoudront pas dans la recherche de solutions locales, bien au contraire, cette politique accroitra les « inégalités scolaires » que vous dites vouloir combattre.
Dans le premier degré vous actez la généralisation de l’expérimentation marseillaise, véritable déclinaison de la loi Rilhac à laquelle la grande majorité des organisations syndicales et des personnels sont pourtant opposés. Ces écoles du futur sont un retour en arrière. Pour la CGT, la solution se trouve dans la mise en place d’une direction collégiale avec la création d’emplois administratifs statutaires et un temps pris sur le temps de travail de tous les enseignant-es.
Au lycée, l’option « mathématiques », dont on ne sait pas par quels enseignant·es elle sera assurée, ni avec quels moyens DHG elle sera dispensée, est l’ultime épisode d’une série sans fin qui mériterait une remise à plat de la réforme du lycée, du baccalauréat et la fin de ParcourSup. Sur le terrain, la situation catastrophique du bâti scolaire conjuguée à la canicule a donné des conditions d’examen intolérables pour certain·es. La multiplication des évaluations dont le calendrier est aberrant et l’organisation des corrections chaotique, achève d’épuiser les équipes. Les copies corrigées, on rogne sur la rémunération ; pire, on « bidouille » les notes sans même en informer les correcteurs. C’est un manque de transparence et de confiance : le fantôme de JM Blanquer hanterait-il notre ministère ?
Pour la CGT Educ’action seules des épreuves nationales, anonymes et en fin d’année, peuvent redonner une valeur au Bac en tant que premier grade universitaire donnant accès au supérieur sans sélection.
Pour la voie professionnelle vous annoncez une « grande réforme des filières professionnelles tant dans les LP que les CFA » et continuez de prôner l’apprentissage comme une voie d’excellence alors que les études démontrent son caractère discriminatoire et alertent sur des taux d’abandon et de rupture vertigineux. Mais l’apprentissage est aussi dangereux, car le travail tue. En 2019, l’Assurance maladie a recensé 10 301 accidents du travail d’apprenti·es. Plus d’un par heure. À cela s’ajoutent 3 110 accidents de trajet. Au total ce sont 15 apprenti·es qui sont décédé·es. Le culte voué aux vertus formatrices de l’entreprise a ses limites.
La CGT Educ’action revendique une scolarité obligatoire jusqu’ à 18 ans et le maintien impératif d’une voie professionnelle dans le service public d’Education car cette voie de formation a pour objectif principal l’émancipation des jeunes. Dans les lycées professionnels, on accueille tout le monde, on réussit mieux ses examens, et on poursuit plus ses études. Enfin sur le long terme, les jeunes s’insèrent mieux dans la vie professionnelle et citoyenne.
Pour l’ensemble des personnels enseignants, vous reprenez l’idée « du travailler plus pour gagner plus » avec le pacte enseignant qui permettra de « repenser les dynamiques et les évolutions de carrière ». Sous couvert de « méritocratie » c’est l’individualisation des carrières et des rémunérations qui se poursuit.
Pour la CGT Educ’action, il s’agit avant tout de remédier sans attendre au déclassement salarial qui touche l’ensemble des métiers de l’Education nationale. Nous ne nous contenterons pas d’une seule augmentation du point d’indice, qui plus est inférieure à l’inflation réelle. Des mesures de rattrapage pour compenser les pertes accumulées depuis 10 ans et une revalorisation salariale sans contreparties doivent être rapidement mises en œuvre.
La rentrée 2022 s’annonce plus difficile encore que la précédente. A l’austérité budgétaire s’ajoute la crise du recrutement. L’effondrement du nombre d’admis aux concours est à mettre en lien avec les conditions d’entrée dans le métier. Pour la CGT Educ’action, aucun stagiaire ne doit être à temps plein ; la formation ne saurait se faire au prix d’un alourdissement de leur charge de travail. La compensation de la baisse du recrutement par une forte augmentation de non titulaires va accroitre la précarité des personnels et ne résoudra pas la question. Pour minorer les critiques légitimes liées à l’opération médiatique du « job dating » de l’académie de Versailles, vous dites que les contractuel·les ne représentent que « 1 % dans le 1er degré et 8 % dans le second degré ». Pour information ce sont quand même 15% des enseignant·es des disciplines professionnelles ! Vous dites également alors qu’auparavant, « les contrats des enseignants contractuels prenaient fin au 30 juin », il a été décidé « de prolonger ces contrats contractuels jusqu’au 30 août ». Pour rappel, c’est déjà le cas pour celles et ceux qui ont signé un contrat avant les vacances de Toussaint et qui ne connaissent pas d’interruption dans l’année. Va-ton vers la suppression de ces conditions ? Pour la CGT Educ’action il faut titulariser sans conditions de concours et de nationalité ces collègues. C’est la meilleure façon de les « fidéliser ».
Parmi les non-titulaires, les AESH et les AED, qui ont été en grève le 16 juin, sont les premier.ères victimes de cette précarisation. Il est temps de respecter les engagements pris en publiant les décrets nécessaires à leur CDIsation.
Vous dites qu’il a pu exister des « malentendus avec le personnel éducatif ». Pour la CGT Educ’action il s’agit plutôt d’un profond mal-être des personnels, conjugué à une défiance à l’égard de leur tutelle, née entre autres de la criminalisation de l’action syndicale ou de l’usage du droit d’expression, qui devrait pourtant prévaloir dans toute démocratie.
A ce titre, nous condamnons fermement la venue des forces de l’ordre dans le lycée où est scolarisée la jeune fille qui a posé, dans le calme, la question suivante à E. Macron « Vous mettez à la tête de l’État des hommes qui sont accusés de viol et de violences pour les femmes, pourquoi ? »
Nous attendons donc de ce nouveau gouvernement qui n’a pas de majorité politique qu’il entende les revendications légitimes et urgentes des personnels. Il faut impérativement un plan massif de création de postes statutaires pour toutes les catégories de personnel. Il faut également abandonner les contre-réformes de la précédente mandature. Ces décisions sont indispensables pour permettre de meilleures conditions d’études pour les élèves et de travail pour des personnels dont la perte de sens du métier est chaque jour plus pesante.