Belkacem
Pauvreté et confusion, dommage
Jeudi
22 janvier, Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de
l’Éducation nationale, annonce les onze mesures symboles de
la grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la
République. La grandiloquence des propos, le contexte
d’émotion et d’agitation politique qui entourent cette
publication mis en perspective avec la pauvreté et la
confusion du contenu et le peu de moyens nouveaux mis en oeuvre
risquent de rendre contre productif la publication de ce texte.
En quoi ces mesures répondent
à la situation, et quelle est la question d’abord ?
La légitime émotion et
l’agitation médiatique autour des attentats des 7 et 9
janvier 2015 et de leurs suites rendent ces mesures difficiles
à lire. S’agit-il de s’interroger sur les fait que les
terroristes soient passés par l’École
de la république ou de répondre aux 200 incidents
(sur 78 000 établissements) recensés au moment de
la minute de silence du 8 janvier ?
Confusion encore quand le texte demande aux
enseignant-e-s d’enseigner les valeurs de la République et
la laïcité sans jamais esquisser un
début de définition. Cette question
éminemment politique réclamerait à
elle seule un long débat.
Confusion toujours, entre autoritarisme et
pédagogie quand il est question de « restaurer
l’autorité des maîtres » ( pas celle des
maîtresses ?) plutôt que de s’interroger
sur les racines du mal, sur une école qui continue
à reproduire les inégalités de la
société qui l’entoure. Plutôt que
d’autorité, l’École a besoin de respect
et de dignité, et des moyens et de la volonté
d’appliquer à elle même les valeurs qu’elle veut
promouvoir.
Confusion
enfin quand il est question de l’État finance le
volet laïcité
et citoyenneté des projets éducatifs
territoriaux. Il n’y a pas si longtemps, quand nous nous faisions
vertement rabrouer alors que nous évoquions le risque de
glissement des missions de l’Education Nationale vers les
collectivités territoriales à la faveur des
nouveaux rythmes scolaires, nous n’imaginions pas que
l’enseignement civique et moral (selon les nouveaux termes)
serait le premier domaine concerné.
La pauvreté du contenu est
d’abord celle des moyens. 1 000 formateurs recevront deux
jours de formation …
Pauvreté aussi, le catalogue
creux des rites, célébrations, et adoration des
symboles républicains proposés. Sommes nous
certain-e-s que à l’occasion du spectacle de fin
d’année, une fois drapé-e dans le drapeau
tricolore, le front ceint de la couronne de la
laïcité et les évaluations CE2
à la main nous aurons résolu tous nos
problèmes.
Pauvreté aussi quand de
nombreuses propositions reprennent des dispositifs existants peu ou mal
mis en place faute de moyens et de formation. (Semaine de la presse
à l’école, Conseil de vie Lycéenne,
relations avec les parents…) Dispositifs qui lorsqu’ils sont
menés, doivent leur existence à la
volonté et aux convictions d’enseignant-e-s ou de groupes
d’enseignant-e-s ayant la volonté de faire avancer
l’École.
Les
réponses ne sont pas à la hauteur des enjeux. Non
seulement elles occultent le fait que les enseignant-e-s se sont
emparé-e-s depuis longtemps des questions de
liberté et de laïcité, mais surtout
elles laissent une nouvelle fois les personnels seuls face au sujet. Au
delà de la questions des moyens,
l’École a besoin de propositions concernant, par
exemple, l’amélioration de la gestion des groupes ou de la
prise en compte de l’agressivité pour être au plus
près de la réalité sociale
où les sentiments d’injustice ou
d’impunité côtoient la violence.
Nous
aurions aimé que le MEN prenne en compte le projet
d’École, de transformation sociale et de
coopération pédagogique de la CGT
Éduc’action. Il faut changer radicalement
l’École pour qu’elle ne soit plus un
lieu d’inégalité et de reproduction
sociale, mais au contraire un lieu d’échanges et
de l’apprentissage du « vivre ensemble ». Elle doit permettre
la construction des savoirs et de la liberté de
pensée, d’épanouissement de chacun-e et
porter des valeurs de solidarité et du droit à
l’Éducation pour tou-te-s, sans aucune
discrimination.